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LÉTHIQUE DE SPINOZA EST UNE UVRE SYSTÉMIQUE
SUR LHOMME ET DIEU
LEthique est une uvre ambitieuse et protéiforme. Ambitieuse par son sujet car Spinoza critique lensemble des conceptions philosophiques traditionnelles de Dieu, de lêtre humain et de lunivers. Multifacette également de par sa méthode car Spinoza entend démontrer la vérité sur Dieu, la nature, lhomme, la religion et la vie bonne (hormis la politique). En effet, Spinoza procède par définitions, axiomes, scolies et corolaires, autrement dit de manière mathématique. Cette méthode scientifique vise à imposer la logique mathématique dans le domaine de la métaphysique, trop souvent réduite à de simples affirmations, faisant delle, comme le dira Kant dans la Critique de la Raison Pure, un champ de bataille.
Même si lEthique de Spinoza couvre la théologie, lanthropologie ou encore lontologie et la métaphysique, le philosophe hollandais a choisi le terme « éthique » car il pose que le bonheur provient dune libération à légard de la superstition et des passions. En dautres termes, lontologie nest vue que comme un moyen pour démystifier lunivers et permettre à lhomme de vivre selon la raison.
Première partie de LÉthique de Spinoza : Dieu ou la Nature (Résumé[1])
« Par Dieu, jentends un être absolument infini, cest-à-dire une substance constituée dune infinité dattributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie ». Dieu est linfini, nécessairement existant (cest-à-dire cause de lui-même), substance unique de lunivers. Il ny a quune seule substance dans lunivers, cest Dieu, et tout ce qui est, est en Dieu.
Voici une synthèse des propositions :
Proposition 1 : Une substance est antérieure en nature à ses affections.
Proposition 2 : Deux substances ayant des attributs différents nont rien en commun avec une autre.
Proposition 3 : Si les choses nont rien en commun avec une autre, lun deux ne peut pas être la cause de lautre.
Proposition 4 : Deux ou plusieurs choses distinctes se distinguent les uns des autres, soit par une différence dans les attributs [les natures ou essences] des substances ou par une différence dans leurs affections [leurs propriétés accidentelles].
Proposition 5 : Dans la nature, il ne peut y avoir deux ou plusieurs substances de même nature
Proposition 6 : Une substance ne peut pas être produite par une autre substance.
Proposition 7 : Il appartient à la nature dune substance dexister.
Proposition 8 : Toute substance est nécessairement infinie.
Proposition 9 : A proportion de la réalité ou de lêtre que possède chaque chose, un plus grand nombre dattributs lui appartiennent
Proposition 10 : Chacun des attributs dune même substance doit être conçu par soi.
Proposition 11 : Dieu, cest-à-dire une substance constituée par une infinité dattributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie, existe nécessairement
Proposition 12 : De nul attribut dune substance il ne peut être formé un concept vrai doù il suivrait que cette substance pût être divisée De nul attribut dune substance il ne peut être formé un concept vrai doù il suivrait que cette substance pût être divisée
Proposition 13 : Une substance absolument infinie est indivisible.
Proposition 14 : Nulle substance en dehors de Dieu ne peut être donnée ni conçue.
Cette preuve que Dieu est infini, nécessaire et sans cause, procède en trois étapes simples. Premièrement, Spinoza établit que deux substances ne peuvent partager un attribut ou une essence. Ensuite, il prouve quil y a une substance avec des attributs infinis. Il sensuit, par conclusion, que lexistence de cette substance infinie soppose à lexistence de toute autre substance. Car si il devait y avoir une deuxième substance, il faudrait avoir un attribut ou de lessence. Mais puisque Dieu a tous les attributs possibles. Par conséquent, il ne peut y avoir, en dehors de Dieu, aucune autre substance.
Si Dieu est la seule substance, alors tout le reste des existants sont en Dieu. Ces choses qui sont dans les attributs de Dieu, Spinoza les appelle des modes.
Quelles sont les conséquences de cette conception de Dieu ? Dieu est vu par Spinoza comme un Dieu immanent, une cause universelle qui assure la pérennité de tout ce qui existe. Ce qui constitue une rupture avec le Dieu de la Révélation, lequel est présenté comme une cause transcendante au monde. Chez Spinoza, le monde existe nécessairement car la substance divine détient lattribut de lexistence, alors que dans la tradition judéo-chrétienne, Dieu aurait pu ne pas créer le monde.
Proposition 29 : Il nest rien donné de contingent dans la nature, mais tout y est déterminé par la nécessité de la nature divine à exister et à produire quelque effet dune certaine manière
Il ya, cependant, des différences dans la façon dont les choses dépendent de Dieu. Certaines parties de lunivers sont régies nécessairement et directement par Dieu : ce sont les «modes infinis », dont font partie les lois de la physique, les vérités de la géométrie, les lois de la logique. Les choses particulières et individuelles sont causalement plus éloignées de Dieu. Les modes finis sont des affections des attributs de Dieu.
La métaphysique de Spinoza sur Dieu est parfaitement résumée par la phrase suivante : Dieu, ou la Nature, Deus, sive Natura en latin.
Chez Spinoza, la nature a deux faces : lune active, lautre passive. Tout dabord, il y a Dieu et ses attributs, à partir desquels tout le reste suit : il sagit de la Natura natura, Nature naturante. Le reste, ce qui est affecté par Dieu et ses attributs, est Natura Naturata, nature naturée.
Ainsi, lintuition fondamentale de Spinoza dans le premier livre est que la nature est un tout indivisible, sans cause, substantielle. En dehors de la nature, il ny a rien, et tout ce qui existe est une partie de la nature. Cette nature unique, unifiée et nécessaire est ce que Spinoza appelle Dieu. En raison de la nécessité inhérente à la nature, il ny a pas de téléologie dans lunivers : rien na de fin. Lordre des choses ne fait que suivre Dieu avec un déterminisme inviolable. Tous les discours sur les desseins de Dieu, ses intentions ou ses buts sont justes des illusions anthropomorphiques.
Deuxième partie de LÉthique de Spinoza : LHomme
Dans la deuxième partie, Spinoza se tourne vers lorigine et la nature de lêtre humain. Les deux attributs de Dieu dont nous avons connaissance sont lextension et la pensée.
Si Dieu est en effet la matière, cela ne signifie pas que Dieu ait un corps. En effet, Dieu nest pas la matière en soi, mais une extension de son essence. Car lextension et la pensée sont deux essences distinctes qui nont absolument rien en commun. Les modes (ou expressions dextension) sont des organes physiques; les modes de pensée sont des idées. Parce que lextension et de la pensée nont rien en commun, les deux royaumes de la matière et de lesprit sont causalement des systèmes fermés et hétérogènes.
Lune des questions pressantes de la philosophie du XVIIe siècle, et peut-être lhéritage le plus célèbre du dualisme de Descartes, est le problème du rapport de deux substances radicalement différentes telles que lesprit et le corps, la question de leur union et de leur interaction. Spinoza, en effet, nie que lêtre humain est une union de deux substances. Lesprit humain et le corps humain sont deux expressions dune seul et même chose: la personne. Et parce quil ny a aucune interaction entre lesprit et le corps, le mind-body problem (rapport corps/esprit) ne se pose pas.
Troisième partie de LÉthique de Spinoza : La Connaissance
Lesprit humain, comme Dieu, contient des idées. Spinoza se livre à une analyse détaillée de la composition de lêtre humain, car son objectif est de montrer de quelle manière lêtre humain est une partie de la nature, contrairement à ceux qui pensent lhomme comme un empire dans un empire. Cela a de graves implications éthiques. Premièrement, cela implique que lêtre humain nest pas doté de la liberté. Parce que notre esprit et les événements dans notre esprit sont des idées qui existent au sein de la série causale des idées qui découlent de Dieu, nos actions et nos volontés sont nécessairement déterminées, à linstar des autres événements naturels. « Lesprit est déterminé à vouloir ceci ou cela par une cause qui est également déterminée par un autre, et ce à nouveau par une autre, et ainsi à linfini » (voir toutes les citations de Spinoza)
Selon Spinoza, la nature est toujours la même, et son pouvoir dagir est partout le même. Nos affects, notre amour, nos colères, nos haines, nos envies, notre orgueils, sont régis par la même nécessité.
Nos affects sont divisés en actions et en passions. Lorsque la cause dun événement réside dans notre propre nature, plus particulièrement, nos connaissances ou idées adéquates, il sagit alors dune action. Mais lorsque quelque chose se passe mais que la cause est inadéquate (en dehors de notre nature), alors nous sommes passifs. Selon que lesprit agit ou subit, Spinoza affirme que lesprit augmente ou diminue sa capacité dêtre. Il appelle le conatus, sorte dinertie existentielle, notre tendance à persévérer dans lêtre.
La liberté spinoziste consiste ainsi à rejeter les mauvaises passions, celles qui nous rendent passifs, au profit des passions joyeuses, celles qui nous rendent actifs, et par conséquent autonomes. Les passions bonnes sont liées à la connaissance, somme des idées adéquates emmagasinées par lhomme. En dautres termes, il faut se libérer de notre dépendance à légard des sens et de limagination, de ce qui nous affecte et sappuyer autant que possible sur nos facultés rationnelles.
Ainsi la joie accroît notre puissance dagir. Toutes les émotions humaines, dans la mesure où elles sont des passions, sont dirigées vers lextérieur. Nous cherchons ou fuyons les choses extérieures dont nous attribuons la cause à la joie ou à la tristesse. Le sujet selon Spinoza est ainsi ouvert sur le monde, affecté par les objets et évènements extérieurs, bref pétri du monde, loin du sage stoïcien reclus dans sa tour divoire philosophique.
LÉthique de Spinoza : La Vertu et le Bonheur
La vertu, chez Spinoza, est le chemin daccès au bonheur. En effet, la vertu consiste à vivre selon lentendement, lequel vise à augmenter notre connaissance et notre compréhension de la nature. Lentendement vit selon le conatus et recherche ce qui est bon pour nous. La connaissance ultime, ou troisième genre de connaissance, désigne la connaissance de lessence des choses, non pas sous leur dimension temporelle, mais sous laspect de léternité. Au final, cest la connaissance de Dieu qui conduit à la béatitude, finalité de lhomme.
La théorie éthique de Spinoza nest pas sans similitude avec le stoïcisme, qui affirme que les évènements du monde nous échapper, seul notre regard sur la fatalité peut nous libérer de la tristesse. Le sage spinoziste a compris quil était partie intégrante de la nature et il sen satisfait. Le sage est par conséquent libre et autonome car il accompagne la nature et sy intègre parfaitement.
[1] Résumé in « la-Philo »