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    Edification morale par les fables - L'objet que se donne La Fontaine dans ses fables

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    L’OBJET QUE SE DONNE LA FONTAINE DANS SES FABLES[1]

     

    Consciemment et apparemment [selon Pierre BOUTANG], il est pédagogique, et, dirait-on, modeste. Croyons-le, nous serons vite désabusés.

    •  L’axiome premier, intemporel, encore qu’il se réfère, tout de suite, au temps humain : « On ne saurait s’accoutumer de trop bonne heure à la sagesse et la vertu. »Nous ne l’accorderons pas sans hésiter : il y a un temps pour toute œuvre humaine, et l’habitude vertueuse, trop tôt prise, pourrait être mal prise, avec un effet, c’est le cas entre tous, de le dire, pervers.
    • Il ne s’agirait pas alors de vraie sagesse ni de vraie vertu ? Soit.
    • Reste que, sur l’habitude bonne ou mauvaise, ce n’est pas à LA FONTAINE que nous prêterions volontiers l’oreille, mais plutôt à PASCAL.
    • Il est d’ailleurs plus intéressant que, dès les toutes premières lignes de la « préface » à son œuvre initiale, le fabuliste en appelle à SOCRATE, et pour défendre, contre BOSSUET (dont il n’a pas compris peut-être l’essai de fonder la poésie au cœur de l’Ancien Testament), que le mariage de l’harmonie et de la musique avec les Idées produit seul la fable, une qui n’est ni celle d’HÉSIODE mettant en vers le rossignol et l’épervier, ni celle que pouvait seul inventer notre fabuliste de Champagne. L’énigme demeure entière, et il le savait bien ; il se donne le tort de feindre une « explication » du mariage, qui, même là, démontre sa nature de sacrement et de mystère ; quatre lignes l’indiquent :

    Il n’y a point de poésie sans harmonie ; mais il n’y en a point non plus sans fiction, et SOCRATE ne savait que dire la vérité. Enfin il avait trouvé un tempérament : c’était de choisir des fables qui continssent quelque chose de véritable, telles que sont celles d’ÉSOPE.

    Voilà la meilleure venue du mixte selon PLATON, en son Philèbe

    Mais nous n’étions pas là pendant la nuit de noces qui dure, auprès de nous, au long des douze livres des Fables. Qui fit le mariage, s’entremit ? Non pas ÉSOPE lui-même dont VICO nous a dit qu’il l’entrevoyait comme le famulus, le compagnon des héros, entre les deux âges.

    Il demeure incertain, du point de vue « pédagogique » où nous nous sommes d’abord laissé attirer, si ÉSOPE, plutôt que LA FONTAINE, a chance (et la chance serait pour nous) de rendre meilleurs nos petits-enfants ; nous avons perçu l’espèce de réponse, murmurée par celui-ci, avec « un temps où les habitudes seraient encore indifférentes au bien ou au mal ». Est-ce qu’il y a un temps comme ça ? Sur l’effet comparé des fables d’ÉSOPE et de LA FONTAINE, il faudrait y aller voir, pour chacune...

    Il y a des cas où le choix s’impose d’évidence, comme pour « le Loup et l’Agneau », où LA FONTAINE se révèle non surpassable, alors que la logique d’ÉSOPE s’alourdit ; par exemple ce dernier souligne que « le loup ne cherchait qu’un prétexte », ce qui devrait simplement résulter du dialogue...

    Les torts de la rime ?

    « Ah ! Qui dira les torts de la rime ? », gémira VERLAINE, contre « l’enfant sourd ou le nègre fou » qui aurait forgé « ce bijou d’un sou » ; avant de l’insulter, cette rime, serait-il mauvais de savoir ce qu’elle est ? Son état-civil échappe aux étymologistes, bien que rythme et le grec ruthmos soient probables à la source ; les enfants savent ce qu’elle est, tout de suite ; elle les aide, surtout autour de leurs cinq ans, à apprendre leur langue maternelle, par la répétition de la dernière ou des deux dernières syllabes de chaque mot qui leur chante – et c’est par cet acte qu’il leur « chante », justement ; cette répétition, une mesure, s’égale au rythme : la phrase sera ce qu’elle pourra ; le rythme par l’égalité entre certaines syllabes, est en train de naître : l’enfant se met à chanter sa parole, elle commence de se mouvoir, de s’articuler (se diviser et se ressaisir) en une pensée, qui retentit et ne se distingue plus que par une réflexion seconde, de son écho ; la prose qui s’avance tranquillement, comme le bœuf dans son sillon, est déjà une parole dont Monsieur Jourdain n’a pas tout à fait tort de s’étonner et s’admirer ; mais le chant, mesure et ordre de syllabes, reprises tour à tour et délaissées, est une autre, et supérieure, merveille !

    LA FONTAINE n’a cessé d’y penser ; il eut, là-dessus, à choisir, sur cette bifurcation première du langage humain. Preuve ? Sa double traduction, en prose et en poésie, de l’« Inscription tirée de Jean-Jacques BOISSARD[2] » à la suite des Filles de Minée. Le sujet en était le sort de deux amants tués le jour de leurs noces :

    J’ai voulu voir si, en ces rencontres, les vers s’éloignent beaucoup de la fidélité des traductions, et si la prose s’éloigne beaucoup des grâces. Mon sentiment a toujours été que, quand les vers sont bien composés, ils disent, en une égale étendue, plus que la prose ne saurait dire.

    La vraie réponse se trouve dans les Amours de Psyché, où coexistent la prose et les vers...

    Poétiser ou « poïematiser » (car rimer n’est qu’une litote), est-ce l’occupation la plus innocente, ou la plus dangereuse, de toutes ?

    Le danger est de se tromper sur la fonction de la parole : la meilleure sera-t-elle la plus rapide (pour son « objet »), la plus exacte (il y a acte dans exact), la plus précise : il faut trancher, séparer, pour désigner à coup sûr ? Ce que savait, et prouve, LA FONTAINE, à chaque chef- d’œuvre, c’est qu’il doit communiquer, envoyer la chose même (le peuple dit : « c’est bien envoyé... »), mais, au moins autant, le plaisir qu’elle soit transmise. La serrure par quoi le poète ouvre la porte des merveilles est ensemble son œuvre et son outil ; il ne faut pas qu’elle grince ; elle doit fermer bien, dans la facilité apparente : chacun est invité à l’avoir inventé, quand ce serait une serrure à secret ; la prose ne doit pas grincer, elle non plus ; mais l’homme est exigeant, sans limites, comme l’enfant ; il va vous demander une serrure qui chante quand la porte s’ouvre sur le jardin merveilleux.

    Les limites de la poésie et de la prose

    Quelle est-elle donc, cette langue des dieux, des dieux auxquels ne croient ni LA FONTAINE, ni VICO

    Bien que le mode de la piété demeure en eux, surtout chez le second, avec la mémoire du « pieux Énée[3] » ; pourtant le premier maintient son « scrupule » de mêler les fables païennes aux vérités d’une foi qu’il n’a jamais reniée, dont la présence se fera plus forte en lui aux approches de la fin.

    Le poème est une « chose faite », demeurant, poïêma ; les Grecs avaient eu le génie des mots à suffixe en « ma » : krêma,, ktêma, rêma, poïêma,, etc., pour inscrire dans le temps les conduites originaires de l’usage, de l’acquisition, de la parole ou de l’acte ; cette chose faite, irréparable, le poème, l’est par un homme, pour d’autres hommes, dans une langue donnée. Chose, mais séparée, parmi les objets d’usage, isolée dans leur masse : dans telle de nos provinces, les enfants, quand ils hésitaient dans leur expression, se voyaient persifler : « Si tu ne peux le dire, chante-le... » Présence discrète de la parole chantée, et de l’âge des héros ! La fable d’ÉSOPE, avant le conseil divin à SOCRATE, et sa traduction musicale, n’est pas un objet d’usage ; pourtant tombe-t-elle dans l’usage humain comme une parole ordinaire ;  « poïêmatisée » elle sort du droit commun, mystérieusement supérieure aux autres arts, peinture, ou forge. Nous évoquions les serrures, pour l’ouverture ou la fermeture au monde des objets : la bonne serrure, et la bonne prose, renvoient au monde possible, et donc, d’abord, prévisible.

    La parole poétique prononce l’être qui est là, l’être là

    Celui qu’accentuera HEIDEGGER, présente par celui qui parle, sur qui sa propre parole retentit en retour : son pathos, quoi qu’il advienne des autres figures du monde, silencieuses, ou autrement et secrètement parlées.

    Bien que notre préoccupation première, dans cet ouvrage-ci, tienne aux seules Fables, leur « préface » et aussi la recherche sur les « universaux fantastiques » nous détournent, sans vrai déplaisir, vers les Amours de Psyché. L’œuvre, dans l’immédiat, fut un échec ; sa portée était considérable ; à partir d’APULEE[4],

    dont il n’y restait que la matière, c’est-à-dire les paroles ; et d’amener la prose à quelque point de perfection ; il ne me semble pas que ce soit une chose fort malaisée : c’est la langue naturelle de tous les hommes. Avec cela, je confesse qu’elle me coûte autant que les vers.

    En réalité, et parce qu’il n’est en rien « un homme quelconque », c’est la langue des dieux qui lui est devenue naturelle

    Elle ne comprend pas seulement le poème en sa plénitude, mais en général ce qui se peut  « mettre en vers ». Reste en cause l’équilibre entre vers et prose : il exigeait un style à la jointure « entre le goût du siècle porté au galant et à la plaisanterie, et le genre de l’aventure, demandant quelque chose d’héroïque et de relevé ».

    Déjà, dans le discours de remerciement à l’Académie, il annonçait « un vrai usage des paroles, en toute leur beauté et leur force [...] afin de régler les limites de la poésie et de la prose ». Trois langues sont distinguées :

    Vous savez également, messieurs, la langue des dieux et celle des hommes. J’élèverais au-dessus de toutes choses ces deux talents dans un troisième qui les surpasse, c’est le langage de la piété ; les deux autres langues ne devraient être que les servantes de celle-ci.

    VICO, sans le savoir, répétera cela, sauf que la langue pieuse devient celle des dieux, et celle nommée divine, est tenue pour héroïque, selon un usage qui date de la Pléiade.

    Mais y a-t-il dans les Fables, une place pour cette langue de la piété ? Pour la véritable et profonde nous avons signalé son unique exemple, capital, il est vrai, dans la fable ultime, « Le Juge arbitre, l’Hospitalier et le Solitaire[5] ».

     


    [1]  Extrait du quatrième chapitre  de « La Fontaine », de Pierre BOUTANG, Hachette, avril 1995.

    [2] Jean-Jacques BOISSARD (1528-1602) est un antiquaire et poète néolatin français ; a fait connaître de nombreux monuments et inscriptions antiques (Corpus inscriptionum Latinarum) et sa réputation a été grande jusqu'au XIXe siècle.

    [3] Fils du mortel Anchise et de la déesse Aphrodite, est un des héros de la guerre de Troie. Il est chanté par VIRGILE dans l’Énéide, dont il est le personnage central.

    [4] APULEE est un écrivain, orateur et philosophe médio-platonicien (125-170). Sa renommée durable vient de son chef-d'œuvre, le roman latin Métamorphoses, également connu sous le nom de L'Âne d'or, qui a sa place dans la littérature mondiale.

    [5] Cf. « Lire LA FONTAINE autrement » .

     


    Date de création : 05/02/2017 @ 14:36
    Dernière modification : 05/02/2017 @ 14:44
    Catégorie : Edification morale par les fables
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