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Edification morale par les fables - L'objet que se donne La Fontaine dans ses fables
LOBJET QUE SE DONNE LA FONTAINE DANS SES FABLES[1]
Consciemment et apparemment [selon Pierre BOUTANG], il est pédagogique, et, dirait-on, modeste. Croyons-le, nous serons vite désabusés.
Il ny a point de poésie sans harmonie ; mais il ny en a point non plus sans fiction, et SOCRATE ne savait que dire la vérité. Enfin il avait trouvé un tempérament : cétait de choisir des fables qui continssent quelque chose de véritable, telles que sont celles dÉSOPE. Voilà la meilleure venue du mixte selon PLATON, en son Philèbe Mais nous nétions pas là pendant la nuit de noces qui dure, auprès de nous, au long des douze livres des Fables. Qui fit le mariage, sentremit ? Non pas ÉSOPE lui-même dont VICO nous a dit quil lentrevoyait comme le famulus, le compagnon des héros, entre les deux âges. Il demeure incertain, du point de vue « pédagogique » où nous nous sommes dabord laissé attirer, si ÉSOPE, plutôt que LA FONTAINE, a chance (et la chance serait pour nous) de rendre meilleurs nos petits-enfants ; nous avons perçu lespèce de réponse, murmurée par celui-ci, avec « un temps où les habitudes seraient encore indifférentes au bien ou au mal ». Est-ce quil y a un temps comme ça ? Sur leffet comparé des fables dÉSOPE et de LA FONTAINE, il faudrait y aller voir, pour chacune... Il y a des cas où le choix simpose dévidence, comme pour « le Loup et lAgneau », où LA FONTAINE se révèle non surpassable, alors que la logique dÉSOPE salourdit ; par exemple ce dernier souligne que « le loup ne cherchait quun prétexte », ce qui devrait simplement résulter du dialogue... Les torts de la rime ? « Ah ! Qui dira les torts de la rime ? », gémira VERLAINE, contre « lenfant sourd ou le nègre fou » qui aurait forgé « ce bijou dun sou » ; avant de linsulter, cette rime, serait-il mauvais de savoir ce quelle est ? Son état-civil échappe aux étymologistes, bien que rythme et le grec ruthmos soient probables à la source ; les enfants savent ce quelle est, tout de suite ; elle les aide, surtout autour de leurs cinq ans, à apprendre leur langue maternelle, par la répétition de la dernière ou des deux dernières syllabes de chaque mot qui leur chante et cest par cet acte quil leur « chante », justement ; cette répétition, une mesure, ségale au rythme : la phrase sera ce quelle pourra ; le rythme par légalité entre certaines syllabes, est en train de naître : lenfant se met à chanter sa parole, elle commence de se mouvoir, de sarticuler (se diviser et se ressaisir) en une pensée, qui retentit et ne se distingue plus que par une réflexion seconde, de son écho ; la prose qui savance tranquillement, comme le buf dans son sillon, est déjà une parole dont Monsieur Jourdain na pas tout à fait tort de sétonner et sadmirer ; mais le chant, mesure et ordre de syllabes, reprises tour à tour et délaissées, est une autre, et supérieure, merveille ! LA FONTAINE na cessé dy penser ; il eut, là-dessus, à choisir, sur cette bifurcation première du langage humain. Preuve ? Sa double traduction, en prose et en poésie, de l« Inscription tirée de Jean-Jacques BOISSARD[2] » à la suite des Filles de Minée. Le sujet en était le sort de deux amants tués le jour de leurs noces : Jai voulu voir si, en ces rencontres, les vers séloignent beaucoup de la fidélité des traductions, et si la prose séloigne beaucoup des grâces. Mon sentiment a toujours été que, quand les vers sont bien composés, ils disent, en une égale étendue, plus que la prose ne saurait dire. La vraie réponse se trouve dans les Amours de Psyché, où coexistent la prose et les vers... Poétiser ou « poïematiser » (car rimer nest quune litote), est-ce loccupation la plus innocente, ou la plus dangereuse, de toutes ? Le danger est de se tromper sur la fonction de la parole : la meilleure sera-t-elle la plus rapide (pour son « objet »), la plus exacte (il y a acte dans exact), la plus précise : il faut trancher, séparer, pour désigner à coup sûr ? Ce que savait, et prouve, LA FONTAINE, à chaque chef- duvre, cest quil doit communiquer, envoyer la chose même (le peuple dit : « cest bien envoyé... »), mais, au moins autant, le plaisir quelle soit transmise. La serrure par quoi le poète ouvre la porte des merveilles est ensemble son uvre et son outil ; il ne faut pas quelle grince ; elle doit fermer bien, dans la facilité apparente : chacun est invité à lavoir inventé, quand ce serait une serrure à secret ; la prose ne doit pas grincer, elle non plus ; mais lhomme est exigeant, sans limites, comme lenfant ; il va vous demander une serrure qui chante quand la porte souvre sur le jardin merveilleux. Les limites de la poésie et de la prose Quelle est-elle donc, cette langue des dieux, des dieux auxquels ne croient ni LA FONTAINE, ni VICO Bien que le mode de la piété demeure en eux, surtout chez le second, avec la mémoire du « pieux Énée[3] » ; pourtant le premier maintient son « scrupule » de mêler les fables païennes aux vérités dune foi quil na jamais reniée, dont la présence se fera plus forte en lui aux approches de la fin. Le poème est une « chose faite », demeurant, poïêma ; les Grecs avaient eu le génie des mots à suffixe en « ma » : krêma,, ktêma, rêma, poïêma,, etc., pour inscrire dans le temps les conduites originaires de lusage, de lacquisition, de la parole ou de lacte ; cette chose faite, irréparable, le poème, lest par un homme, pour dautres hommes, dans une langue donnée. Chose, mais séparée, parmi les objets dusage, isolée dans leur masse : dans telle de nos provinces, les enfants, quand ils hésitaient dans leur expression, se voyaient persifler : « Si tu ne peux le dire, chante-le... » Présence discrète de la parole chantée, et de lâge des héros ! La fable dÉSOPE, avant le conseil divin à SOCRATE, et sa traduction musicale, nest pas un objet dusage ; pourtant tombe-t-elle dans lusage humain comme une parole ordinaire ; « poïêmatisée » elle sort du droit commun, mystérieusement supérieure aux autres arts, peinture, ou forge. Nous évoquions les serrures, pour louverture ou la fermeture au monde des objets : la bonne serrure, et la bonne prose, renvoient au monde possible, et donc, dabord, prévisible. La parole poétique prononce lêtre qui est là, lêtre là Celui quaccentuera HEIDEGGER, présente par celui qui parle, sur qui sa propre parole retentit en retour : son pathos, quoi quil advienne des autres figures du monde, silencieuses, ou autrement et secrètement parlées. Bien que notre préoccupation première, dans cet ouvrage-ci, tienne aux seules Fables, leur « préface » et aussi la recherche sur les « universaux fantastiques » nous détournent, sans vrai déplaisir, vers les Amours de Psyché. Luvre, dans limmédiat, fut un échec ; sa portée était considérable ; à partir dAPULEE[4], dont il ny restait que la matière, cest-à-dire les paroles ; et damener la prose à quelque point de perfection ; il ne me semble pas que ce soit une chose fort malaisée : cest la langue naturelle de tous les hommes. Avec cela, je confesse quelle me coûte autant que les vers. En réalité, et parce quil nest en rien « un homme quelconque », cest la langue des dieux qui lui est devenue naturelle Elle ne comprend pas seulement le poème en sa plénitude, mais en général ce qui se peut « mettre en vers ». Reste en cause léquilibre entre vers et prose : il exigeait un style à la jointure « entre le goût du siècle porté au galant et à la plaisanterie, et le genre de laventure, demandant quelque chose dhéroïque et de relevé ». Déjà, dans le discours de remerciement à lAcadémie, il annonçait « un vrai usage des paroles, en toute leur beauté et leur force [...] afin de régler les limites de la poésie et de la prose ». Trois langues sont distinguées : Vous savez également, messieurs, la langue des dieux et celle des hommes. Jélèverais au-dessus de toutes choses ces deux talents dans un troisième qui les surpasse, cest le langage de la piété ; les deux autres langues ne devraient être que les servantes de celle-ci. VICO, sans le savoir, répétera cela, sauf que la langue pieuse devient celle des dieux, et celle nommée divine, est tenue pour héroïque, selon un usage qui date de la Pléiade. Mais y a-t-il dans les Fables, une place pour cette langue de la piété ? Pour la véritable et profonde nous avons signalé son unique exemple, capital, il est vrai, dans la fable ultime, « Le Juge arbitre, lHospitalier et le Solitaire[5] ».
[1] Extrait du quatrième chapitre de « La Fontaine », de Pierre BOUTANG, Hachette, avril 1995. [2] Jean-Jacques BOISSARD (1528-1602) est un antiquaire et poète néolatin français ; a fait connaître de nombreux monuments et inscriptions antiques (Corpus inscriptionum Latinarum) et sa réputation a été grande jusqu'au XIXe siècle. [3] Fils du mortel Anchise et de la déesse Aphrodite, est un des héros de la guerre de Troie. Il est chanté par VIRGILE dans lÉnéide, dont il est le personnage central. [4] APULEE est un écrivain, orateur et philosophe médio-platonicien (125-170). Sa renommée durable vient de son chef-d'uvre, le roman latin Métamorphoses, également connu sous le nom de L'Âne d'or, qui a sa place dans la littérature mondiale. [5] Cf. « Lire LA FONTAINE autrement » .
Date de création : 05/02/2017 @ 14:36 Réactions à cet article
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