ÉMANATION, CRÉATION , FORMATION, ACTION
Le sujet de la Création continue reçoit un traitement ésotérique, celui de la Kabbale.
« Le Prophète Élie entonna son oraison : Maître des mondes. Tu es Un
Aucune pensée ne saurait le saisir
Afin de diriger des mondes secrets inconnus et dautres plus connus, tu as fondé dix voies que nous intitulons Séfiroth. Groupées, les Séfiroth portent les noms suivants auxquels correspondent en une figure schématique les membres du corps humain.»
Selon la Kabbale, ce mot signifiant «sphères», désigne la Lumière qui a donné naissance à lunivers et grâce à laquelle lunivers se maintient et continue à subsister. Lorsque cette Lumière primordiale sintroduit dans lunivers pour donner un souffle de vie à toutes les créatures, elle se divise en dix entités dynamiques qui répandent la vie dans toute la création. Chaque entité représente une force particulière et prend le nom de Séfira.
La combinaison des Séfiroth entre elles, explique le caractère particulier de chaque élément de la création.
Le mot Séfira ayant pour racine SFR ou SPR, peut être rapproché de Mispar (un nombre), de Séfér (un livre), de Sapère (raconter), Safir (pierre précieuse), de Safra (un scribe). Les significations différentes de la racine safer décrivent les manifestations des Séfiroth à différents stades.
Dans la représentation anthropomorphique des Séfiroth, chaque Séfira gouverne une partie du « corps humain » de lAdam Kadmone (lhomme antérieur), bien quil ny ait pas dantériorité au niveau de Dieu. Au nombre de dix, les Séfiroth se répartissent ainsi :
1) Kétèr : la Couronne, au-dessus de la tête.
2) Hokhma : la Sagesse, à droite du cerveau.
3) Bina : lIntelligence, à gauche du cerveau.
Daath : la Connaissance, au centre du cerveau.
4) Hessèd : lAmour, la Générosité, bras droit.
5) Gvoura : la Force, la Rigueur, bras gauche.
6) Tiférèt : lHarmonie, au centre, le cur.
7) Netsah : lÉternité, la hanche droite.
8) Hod : la Splendeur, la hanche gauche.
9) Yessod : la Fondation : le Sexe au centre.
10) Malkhout : la Royauté, en bas, en dehors du corps.
Dans le système du Arizal, Kéter ne compte pas parmi les dix Séfiroth, car cette Séfira se situe à un niveau supérieur, intermédiaire entre le Or Ein-Sof et les Séfiroth. Le Arizal introduit Daath pour compléter les dix Séfiroth.
Au sens étymologique, Daath signifie attachement, union mais aussi connaissance. Par exemple Adam connut Eve signifie sunit à elle (Genèse, 4,1.) Il sagit dun principe unificateur qui réalise la jonction entre Hokhma et Bina et forme ainsi le premier groupe de Séfiroth correspondant au « monde de lÉmanation », Olam haAtsilouth.
Dieu se dissimule à lhomme par les Séfiroth et cest Lui qui les relie et les unifie. Comme Il se trouve à lintérieur, quiconque sépare lune des dix Séfiroth, rompt si lon peut dire ainsi lUnité divine.
Chaque Séfira a un nom connu mais Dien na pas de Nom connu car il remplit tous les noms et Il est leur perfection. Si Dieu les quitte, tous les noms sont comme un corps sans âme.
Les Séfiroth se déploient de haut en bas, mais les énergies quelles impriment aux créatures pour leur permettre dexister, se déplacent de haut en bas et de bas en haut.
Il existe une interaction entre les Séfiroth. Ainsi la main droite, siège de Hessèd, amour, bienveillance, vient tempérer laction de la main gauche, celle de la rigueur, la Gvoura. La pratique quotidienne a intégré ces notions dans des gestes qui symbolisent la volonté de tempérer la rigueur, par la bienveillance et lamour. Telle lablution des mains le matin, dès le saut du lit : on prend le récipient rempli deau dans la main droite, on le transfère à la main gauche et on verse leau dabord sur la main droite. Ensuite on prend le récipient de la main droite et on verse leau sur la main gauche. On procède ainsi trois fois.
À quelle nécessité répond le système des Séfiroth ?
(60) Par leur intermédiaire, cest-à-dire
« émanation de Sa lumière par degrés successifs », Ein-Sof, Dieu infini, peut se manifester dans lunivers et permettre de traduire les potentiels divins en termes dactions.
Les Séfiroth réparties en quatre catégories, correspondent chacune à un monde différent, plus ou proches de lEin-Sof, source dénergie ou lumière de linfini. Ces mondes se déploient du haut vers le bas, mais les hommes les appréhendent du bas vers le haut. Les deux premiers ont résisté à la Lumière divine, tandis que les autres ont éclaté comme des vases, doù le terme de « Vases brisés » que lhomme a pour tâche de restaurer.
Ils portent les noms suivants :
Olam haAtsilouth ou monde de lémanation.
Olam haBeriya ou monde de la création.
Olam haYétsira ou monde de la formation.
Olam haAssia ou monde de laction.
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GÉNÉRATION, CONCEPTION, ANIMATION
Ici, la doctrine catholique ressort de l'aristotélisme.
Aristote avait présenté une acquisition successive, au cours du développement embryonnaire,
de lâme nutritive ou végétative, dabord en puissance, puis en acte quand elle se nourrit,
ensuite de lâme sensitive elle aussi en puissance puis en acte,
enfin de lâme pensante, le noûs, qui, nous lavons vu, advient du dehors (De la génération des animaux II, III).
Dans ce noûs aristotélicien, les théologiens catholiques médiévaux reconnurent lâme intellectuelle infusée par Dieu au cours du développement embryonnaire, que ce sont là ses éléments constitutifs. Il précisait que « lâme nest ni juxtaposée, ni agrégée, ni amalgamée au corps, elle lui est jointe ».
Sur un plan théologique, cest Dieu qui opère cette jonction en infusant lâme dans le corps. Sur un plan « physique », cette jonction est le fait de linclination de lâme pour « les proportions harmonieuses qui unissent les parties du corps ».
Présente dans lensemble du corps, lâme y agit cependant diversement. Dans ses opérations de connaissance, lâme procède progressivement :
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des sens vient lopinion, qui est un jugement non assuré ;
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de lopinion vraie, la raison, qui est « un jugement sûr et fondé au sujet dun objet matériel »;
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de la raison, lintelligence, qui est « un jugement droit et sûr au sujet des incorporels », et qui peut ainsi sélever vers Dieu.
Nous sommes là encore en présence dun dualisme de substances :
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dune part, le corps, créé par Dieu à partir du limon de la terre (« par lopération de la nature », précisait Guillaume de Conches - Philosophia XIII, 43 ce que lui reprochait dailleurs Guillaume de Saint-Thierry, c. 1085-c. 1148), en ce qui concerne le premier homme, puis transmis par génération aux autres hommes ;
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dautre part, lâme, créée directement par Dieu et infusée dans le corps. Ce dernier, ayant été corrompu par le péché, alourdit lâme qui lui est conjointe, lémousse, en sorte quau contraire des premiers parents avant le péché, elle ne permet plus la « pleine science de toutes choses » dès son début, mais nexerce sa compréhension et son jugement que « par lexpérience venue dun long usage et aiguillonnée par lenseignement de quelquun.
Guillaume de Conches, allusivement, retrouve dailleurs la conception platonicienne du corps prison de lâme, quand il compare cet alourdissement de lâme par le corps à la situation dun prisonnier qui « serait enfermé dans une sombre geôle; il ne pourrait voir avant de sêtre accoutumé à lobscurité ou dêtre remonté à la lumière » (Dragmaticon IV).
Guillaume affirmait non seulement que lâme du premier homme, « qui est esprit, et donc légère et pure », ne fut pas créée à partir du limon de la terre (Philosophia XIII, 43) , mais encore (Dragmaticon IV) que lâme (anima) de chaque homme ne provient daucun organe, nest pas même identifiable au souffle (spiritus) pourtant très subtil, qui naît dans le foie, qui accomplit les activités animales, et qui est seulement un organe de lâme, mais quelle est créée ex nihilo par Dieu pour chaque homme :
Je suis chrétien et non académicien ; je partage donc lavis de saint Augustin : je crois que chaque jour de nouvelles âmes sont créées, non à partir dune bouture ou dune quelconque matière, mais du néant et sur un simple ordre du Créateur.
Mais quand est-elle créée ? Dès la conception de lhomme ou quand le corps est déjà formé dans lutérus et prêt à recevoir lâme, ou le jour où il se meut, où à lheure de la naissance. Je nai pas dopinion là-dessus. Cependant beaucoup pensent que cest quand le corps est préparé que lâme lui est adjointe, parce que le Créateur, après avoir façonné le corps dAdam, souffla sur son visage le souffle de vie. Ce semble être aussi lavis de Platon [...]. (Dragmaticon IV.,)
On retrouve là lidée qui domina au XIIe siècle et que nous avons vue chez saint Anselme de Cantorbéry, selon quoi lanimation de lembryon nest pas immédiate, mais postérieure à la conception, ce pourquoi, les théologiens catholiques dalors jugeaient que lavortement nest pas un meurtre tant que lembryon na pas encore acquis forme humaine. En effet, si le livre de lExode, dans les versions hébreu et latine, ne prévoit, quand une femme enceinte a été accidentellement bousculée, de rendre âme pour âme que quand la mère meurt, dans la version grecque de la Septante, lavortement accidentel entraîne la mort du responsable si le ftus est formé : si deux hommes se battent et quils frappent une femme enceinte, et que son enfant sorte sans être formé, lhomme sera puni dune amende [...]. Sil était formé, il donnera vie pour vie, il pour il, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. (Ex. XXI, 22-2410.)
« Formé », cest ici exeikonisménon, littéralement : « fait à limage », qui renvoie bien sûr à lhomme formé à limage de Dieu de la Genèse.
La tradition patristique, grecque aussi bien que latine, mit souvent en relation cette formation de lembryon à limage (de Dieu) avec linsufflation dun esprit de vie par Dieu en lhomme tiré du sol (Gn II, 7), considérant alors que le ftus est formé par son animation, et quainsi lavortement accidentel ou volontaire dun embryon formé est un homicide.
On saccorde généralement à reconnaître que cette formation humaine de lembryon, qui correspond à la pleine différenciation des membres, intervient plus tard pour la fille que pour le garçon (sauf In somnium Scipionis I, VI, qui juge que la formation de la fille prend cinq semaines, et celle du garçon, six semaines) : suivant Aristote (Histoire des animaux VII, III), au quarantième jour pour le garçon et au quatre-vingt-dixième pour la fille ; suivant le Lévitique (XII, 1-5), au quarantième jour pour le garçon et au quatre-vingtième pour la fille ; suivant le De spermate, au trentième jour pour le garçon, et au quarantième pour la fille, etc.
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