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Parcours axiologique - La mondialisation et son orientation
LA MONDIALISATION ET SON ORIENTATION
La mondialisation est un phénomène multidimensionnel et polyvalent, qui exige dêtre saisi dans la diversité et dans lunité de tous ses aspects, y compris sa dimension théologique. I/ Réflexions de Louis Manaranche dans « Retrouver lhistoire »(81) De même que la démocratie sans finalité ni anthropologie devient une caricature delle-même, la mondialisation nengendre pas le bien par essence, sans être habitée. Benoît XVI lexprime très clairement dans Caritas in Veritate (2009) : « Si on regarde la mondialisation de façon déterministe, les critères pour lévaluer et lorienter se perdent. [ ] Il faut donc travailler sans cesse afin de favoriser une orientation culturelle personnaliste et communautaire, ouverte à la transcendance, du processus dintégration planétaitre. » Pour que la mondialisation soit habitée justement, il convient quà partir dune juste compréhension de ce que signifie la « famille humaine » des processus de philia, cest-à-dire damitié civique constitutive du lien social, se mettent à luvre. (83) Ce nest quune fois cette pédagogie réellement mise en pratique que lon pourra songer sérieusement à des instances de régulation et de gouvernement fondées sur la subsidiarité. En nhonorant pas les communautés intermédiaires que sont, à cette échelle les nations, une telle autorité serait dénuée de sens car déconnectée du lieu réel du politique. Caritas in Veritate offre encore un éclairage précieux : « La mondialisation réclame certainement une autorité, puisquest en jeu le problème du bien commun quil faut poursuivre ensemble ; cependant cette autorité devra être exercée de manière subsidiaire et polyarchique pour, dune part ne pas porter atteinte à la liberté et, dautre part, être concrètement efficace. » II/ Texte de lencyclique Caritas in Veritate y relatifLa nouveauté majeure a été lexplosion de linterdépendance planétaire, désormais communément appelée mondialisation. Paul VI lavait déjà partiellement prévue, mais les termes et la force avec laquelle elle sest développée sont surprenants. Né au sein des pays économiquement développés, ce processus par sa nature a produit une intrication de toutes les économies. Celui-ci a été le principal moteur pour que des régions entières sortent du sous-développement et il représente en soi une grande opportunité. Toutefois, sans lorientation de lamour dans la vérité, cet élan planétaire risque de provoquer des dommages inconnus jusqualors ainsi que de nouvelles fractures au sein de la famille humaine. Cest pourquoi lamour et la vérité nous placent devant une tâche inédite et créatrice, assurément vaste et complexe. Il sagit délargir la raison et de la rendre capable de comprendre et dorienter ces nouvelles dynamiques de grande ampleur, en les animant dans la perspective de cette « civilisation de lamour » dont Dieu a semé le germe dans chaque peuple et dans chaque culture. [ ] Le grand défi qui se présente à nous, qui ressort des problématiques du développement en cette période de mondialisation et qui est rendu encore plus pressant par la crise économique et financière, est celui de montrer, au niveau de la pensée comme des comportements, que non seulement les principes traditionnels de léthique sociale, tels que la transparence, lhonnêteté et la responsabilité ne peuvent être négligées ou sous-évaluées, mais aussi que dans les relations marchandes le principe de gratuité et la logique du don, comme expression de la fraternité, peuvent et doivent trouver leur place à lintérieur de lactivité économique normale. Cest une exigence de lhomme de ce temps, mais aussi une exigence de la raison économique elle-même. Cest une exigence conjointe de la charité et de la vérité. [ ] On relève parfois des attitudes fatalistes à légard de la mondialisation, comme si les dynamiques en acte étaient produites par des forces impersonnelles anonymes et par des structures indépendantes de la volonté humaine. Il est bon de rappeler à ce propos que la mondialisation doit être certainement comprise comme un processus socio-économique, mais ce nest pas là son unique dimension. Derrière le processus le plus visible se trouve la réalité dune humanité qui devient de plus en plus interconnectée. Celle-ci est constituée de personnes et de peuples auxquels ce processus doit être utile et dont il doit servir le développement en vertu des responsabilités respectives prises aussi bien par des individus que par la collectivité. Le dépassement des frontières nest pas seulement un fait matériel, mais il est aussi culturel dans ses causes et dans ses effets. Si on regarde la mondialisation de façon déterministe, les critères pour lévaluer et lorienter se perdent. Cest une réalité humaine et elle peut avoir en amont diverses orientations culturelles sur lesquelles il faut exercer un discernement. La vérité de la mondialisation comme processus et sa nature éthique fondamentale dérivent de lunité de la famille humaine et de son développement dans le bien. Il faut donc travailler sans cesse afin de favoriser une orientation culturelle personnaliste et communautaire, ouverte à la transcendance, du processus dintégration planétaire. [En effet, « Le thème de la personne, selon Emmanuel Mounier, prend naissance et sens dans une zone péri-chrétienne de la conscience éthique, dans une zone de sensibilisation qui reçoit verticalement la prédication chrétienne et latéralement linfluence fécondante des comportements chrétiens les plus authentiques, mais qui, par cette double fécondation, déploie ses possibilités propres. Par le christianisme lhomme éthique, lhomme capable de civilisation, est ouvert à ses propres anticipations Les valeurs ont été comprises par Mounier comme des exigences permanentes, mais inconsistantes en dehors de lhistoire quécrivent des personnes. Le personnalisme implique donc une éthique concrète, relativement indépendante de la foi chrétienne, indépendante quant à ses significations, dépendante quant à son surgissement de fait dans telle ou telle conscience. »][1] Malgré certaines de ses dimensions structurelles qui ne doivent pas être niées, ni absolutisées, « la mondialisation, a priori, nest ni bonne ni mauvaise. Elle sera ce que les personnes en feront » . Nous ne devons pas en être les victimes, mais les protagonistes, avançant avec bon sens, guidés par la charité et par la vérité. Sy opposer aveuglément serait une attitude erronée, préconçue, qui finirait par ignorer un processus porteur daspects positifs, avec le risque de perdre une grande occasion de saisir les multiples opportunités de développement quelle offre. Les processus de mondialisation, convenablement conçus et gérés, offrent la possibilité dune grande redistribution de la richesse au niveau planétaire comme cela ne sétait jamais présenté auparavant; sils sont mal gérés ils peuvent au contraire faire croître la pauvreté et les inégalités, et contaminer le monde entier par une crise. Il faut en corriger les dysfonctionnements, dont certains sont graves, qui introduisent de nouvelles divisions entre les peuples et au sein des peuples, et faire en sorte que la redistribution de la richesse nentraîne pas une redistribution de la pauvreté ou même son accentuation, comme une mauvaise gestion de la situation actuelle pourrait nous le faire craindre. Pendant longtemps, on a pensé que les peuples pauvres devaient demeurer fixés à un stade préétabli de développement et devaient se contenter de la philanthropie des peuples développés. Dans Populorum progressio, Paul VI a pris position contre cette mentalité. Aujourdhui les ressources matérielles utilisables pour faire sortir ces peuples de la misère sont théoriquement plus importantes quautrefois, mais ce sont les peuples des pays développés eux-mêmes qui ont fini par en profiter, eux qui ont pu mieux exploiter le processus de libéralisation des mouvements de capitaux et du travail. La diffusion du bien-être à léchelle mondiale ne doit donc pas être freinée par des projets égoïstes, protectionnistes ou dictés par des intérêts particuliers. En effet, limplication des pays émergents ou en voie de développement permet aujourdhui de mieux gérer la crise. La transition inhérente au processus de mondialisation présente des difficultés et des dangers importants, qui pourront être surmontés seulement si on sait prendre conscience de cette dimension anthropologique et éthique, qui pousse profondément la mondialisation elle-même vers des objectifs dhumanisation solidaire. Malheureusement cette dimension est souvent dominée et étouffée par des perspectives éthiques et culturelles de nature individualiste et utilitariste. La mondialisation est un phénomène multidimensionnel et polyvalent, qui exige dêtre saisi dans la diversité et dans lunité de tous ses aspects, y compris sa dimension théologique. Cela permettra de vivre et dorienter la mondialisation de lhumanité en termes de relationnalité, de communion et de partage.
[1] « Cest dans la mesure où il a approfondi la tradition chrétienne et non pas quelque libéralisme religieux quil a trouvé au christianisme de fraîches ressources dintelligence historique. Cest dans la mesure où il a rejoint la spontanéité primitive du mouvement ouvrier quil a pu mettre à nu une sagesse populaire plus pleinement humaine que tous nos efforts pour humaniser la révolution. » Enfin, pour conclure, à partir de la personne, il nous a donné la clef de la construction de la cité personnaliste dans le temps : « Lincessant déchiffrement par une personne de sa vocation brisant [sans relâche] toute visée plus courte : intérêt, adaptation, réussite, on peut dire en ce sens que la personne est la gratuité même, cependant que chacun de ses actes est engagé et voué. Elle est ce qui dans un homme ne peut être utilisé. Cest pourquoi, même dans la vie collective, le personnalisme donnera toujours le primat aux techniques déducation et de persuasion sur les techniques de pression, de ruse ou de mensonge : car lhomme ne va bien que là où il va avec tout lui-même. Lunité dun monde de personnes ne peut sobtenir que dans la diversité des vocations et lauthenticité des adhésions. Cest une voie plus difficile et plus longue que les brutalités du pouvoir. Il serait utopique de penser quelle puisse être toujours gardée. Du moins doit-elle commander les lignes directrices de laction. Le totalitarisme est limpatience des puissants. »
Date de création : 31/08/2015 @ 18:55 Réactions à cet article
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