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Parcours psychophysique - Abrégé de psychophysique



 
ABRÉGÉ DE PSYCHOPHYSIQUE
 
LA THÉORIE DE BOHM
 
Il faudrait dire plus précisément les théories de Bohm, la première datant de 1951. Elle a été émise à partir d’idées émises dès 1926 par Louis de Broglie qui, après les avoir abandonnées l’année suivante, les reprit à nouveau quand la théorie de Bohm commença à circuler, après que le français Jean Pierre Vivier s’y fut associé en 1952.
À la base de cette théorie, il existe dans l’espace, en plus des champs de forces reconnus par la physique classique et la physique quantique, un « potentiel quantique ». À la différence des premiers, celui-ci ne transporte pas d’énergie et s’il n’est pas détectable directement les particules n’en subissent pas moins les effets pour leur permettre de communiquer entre elles. Ainsi, dans les expériences sur le paradoxe EPR, les deux particules qui s’éloignent sont liées en permanence par ce potentiel. La mesure effectuée sur l’une modifie instantanément le potentiel subi par l’autre, d’où la corrélation observée entre les résultats des mesures.
 
L’interprétation particulière donnée par Bohm à l’expérience d’Aspect
 
La "décou­verte" d’Aspect et de son équipe, à l’Institut d’optique d’Orsay, consiste en une expé­rience – sans doute la plus importante du 20e siècle –, réa­lisée en 1981, 1982 et 1988. David Bohm en a donné l’inter­pré­tation par­ti­cu­lière suivante : selon lui, puisque la physique quan­tique fonc­tionne sans notion d’espace ou de dis­tance, la matière n’est que de l’information, si bien que l’univers peut être comparé à un hologramme.
Les faits d’abord : l’expérience de 1981 a montré que les par­ti­cules sub​​atomiques comme les photons et les élec­trons d’un même système (deux par­ti­cules issues d’une division ou d’une inter­action pré­cé­dente) sont capables de com­mu­niquer avec leur doublon indé­pen­damment de la dis­tance qui les sépare. Chaque par­ticule réagit au com­por­tement de l’autre comme si elles ne fai­saient encore qu’une. Le moyen de cette com­mu­ni­cation (au moins deux fois plus rapide que la lumière) pose un pro­blème : il est indé­tec­table. Cette com­mu­ni­cation viole la loi mathé­ma­tisée par Ein­stein selon laquelle aucune masse ne peut voyager plus rapi­dement que la vitesse de la lumière.
On en a déduit que le « potentiel quantique » était la variable cachée non locale de la théorie de Bohm.
Dans la plus grande partie de son his­toire, la science occi­dentale a tra­vaillé à amé­liorer la façon de com­prendre un phé­nomène phy­sique, de la gre­nouille ou l’atome, en le dis­sé­quant et en étudiant chacune de ses parties préa­la­blement définies. Pour David Bohm, l’hologramme nous enseigne que plu­sieurs choses dans l’univers pour­raient ne pas se prêter à ce type d’approche. Si nous essayons de démonter quelque chose construit holo­gra­phi­quement, nous n’arriverons pas à déter­miner les pièces qui le consti­tuent, nous obtien­drons seulement des "touts plus petits". Cette idée permet de com­prendre la décou­verte d’Aspect.
En définitive, Bohm croit que la raison pour laquelle les par­ti­cules sub-​​atomiques sont capables de rester en contact entre elles indé­pen­damment de la dis­tance qui les sépare n’est pas parce qu’ils enver­raient un mys­té­rieux signal dans les deux sens (plus rapide que la vitesse de la lumière), mais parce que leur sépa­ration est une illusion. Il sou­tient qu’à un niveau plus profond de la réalité, de telles par­ti­cules ne sont pas des entités indi­vi­duelles, mais qu’elles sont des exten­sions de la même chose fondamentale.
 
Cas des expériences des fentes de Young
 
Dans ce type d’expérience, l’obturation de l’une des fentes modifie instantanément le potentiel quantique et en conséquence le trajet du photon, d’où l’explication du fait que ce trajet dépend du nombre de fentes ouvertes.
 
Les trois postulats émis par David Bohm pour expliquer sa théorie du holomouvement       
 
David Bohm a postulé que trois analogies précises suffisaient pour expliquer sa théorie du holomouvement, faisant remarquer aussitôt que leur correspondance avec l'ordre implicite restait limitée :
- L'hologramme, pour expliquer que toute théorie fondamentale est sans signification car on ne peut jamais complètement réduire les phénomènes, tout point de l'image reflétant toute la réalité,
- La goutte insoluble d'encre diluée dans la glycérine, pour prouver que la non-séparabilité ou la notion d'ordre implicite est continue,
- Le poisson d'aquarium filmé sous deux angles différents, pour démontrer que les particules sont les projections d'une réalité multidimensionnelle.
"Le holomouvement [l'ordre implicite] dit Bohm, indéfinissable et inmesurable implique que cela n'a pas de sens de parler d'une théorie fondamentale sur laquelle tout ce qui appartient à la physique pourrait trouver une base permanente, à laquelle tous les phénomènes de la physique pourraient être définitivement réduits".
A partir de ces trois analogies mécanistes, Bohm démontre que la perception immédiate d'un phénomène n'est qu'une approximation. Dans le cadre d'une description totale de la réalité, pour donner un sens à l'ordre implicite "nous devons dit-il, manifester conceptuellement certains ordres de mouvements plus vastes ". Tout est dans tout dit Bohm, la masse, l'énergie contiennent des informations sur l'univers tout entier (on retrouve le principe de Mach et le positivisme du Cercle de Vienne). Quand un son ou une lumière parvient jusqu'à nous, que la conscience les reconnaît, nos organes sensoriels sont confrontés à tout l'Univers. Nous devenons le sujet de notre étude, l'observateur s'observe. 
Pour Bohm, l'observateur et son objet d'étude sont les perceptions explicites d'un ordre implicite, "une subtotalité relativement autonome", comme le courant du Gulf Stream fait partie de l'océan.
 
 
Analogie de l’hologramme
 
Un holo­gramme est une pho­to­graphie tri­di­men­sion­nelle faite à l’aide d’un laser. Pour faire un holo­gramme, l’objet à pho­to­gra­phier doit être d’abord baigné dans la lumière d’un rayon laser. Alors un deuxième rayon laser (qui peut être de même source) rebondit sur la lumière du premier reflétée par l’objet et le modèle d’interférence résultant (le secteur où les deux rayons laser se mélangent) est capturé sur le film. Quand le film est déve­loppé, il res­semble à un remous sans signi­fi­cation de lignes légères et sombres. Mais aus­sitôt que le film déve­loppé est éclairé par un autre rayon laser, une image tri­di­men­sion­nelle de l’objet ori­ginal apparaît.
Le fait important est que le relief est inté­gra­lement conservé : en par­ti­culier l’observateur pourra voir, en déplaçant son œil, des parties de l’objet les plus proches de lui venir en masquer d’autres situées à l’arrière-plan.
La tri­di­men­sion­nalité de telles images n’est pas le seul point remar­quable. Si un holo­gramme d’une rose est coupée dans sa moitié et est ensuite éclairée par un laser, on pourra retrouver dans chaque moitié l’image entière de la rose. En effet, même si les moitiés sont divisées de nouveau, chaque morceau de l’image (ou du film) contiendra tou­jours la version plus petite mais intacte de l’image ori­ginale. À la dif­fé­rence d’une pho­to­graphie standard, chaque partie d’un holo­gramme contient l’ensemble de l’information pos­sédée par la totalité. Cette caractéris­tique du "tout dans chaque partie" fournit une voie entiè­rement nou­velle pour comprendre et pour gérer l’ordre et l’organisation.
 
 
abregepsy.jpg 
 
 
 
L’hologramme en ses principaux concours
 
Il explique le mécanisme de corrélation
 
La tech­nique de l’hologramme sert également d’explication à notre capacité de récu­pérer rapidement et indé­pen­damment l’information dont nous avons besoin. Si un ami vous demande de lui dire ce qui lui vient à l’esprit quand il dit le mot "zèbre", vous ne devez pas mal­adroi­tement aupa­ravant trier un fichier alpha­bé­tique gigan­tesque pour par­venir à une réponse. Intui­ti­vement, nous savons bien que nous ne rai­sonnons pas comme ça. Au lieu de cela, nous asso­cions "rayé", "pareil à cheval" et "animal ori­gi­naire d’Afrique", sans effort, en situant par­fai­tement ces mots et n’ayant conscience de rien d’autre. En effet, une des choses les plus éton­nantes dans le pro­cessus de pensée est que chaque partie d’information semble immé­dia­tement cor­rélée à chaque autre. Plus pré­ci­sément, ces asso­cia­tions ne sont pas données une fois pour toutes, apprises comme des défi­ni­tions, mais elles sont réin­ventées et peuvent être détaillées à volonté. Cela dénote une structure très souple de ce méca­nisme de cor­ré­lation. Cette facilité de "glisser" d’une infor­mation à une autre est jus­tement une propriété de l’hologramme – qui pourrait donc servir de modèle d’explication (à défaut de l’explication même). Dans un holo­gramme, en effet, chaque partie est "infi­niment" connectée aux autres, comme nous l’avons déjà expliqué. C’est de tout les sys­tèmes de cor­ré­lation et de mutualité, le système aujourd’hui le plus "sen­sitif" et le plus "per­formant" ; il est de tous celui qui se rap­proche le plus du fonc­tion­nement du cerveau.
 
Il explique la totalité de l’univers
 
Selon Bohm, nous voyons les objets comme des micro­par­ti­cules, comme séparées l’une de l’autre, parce que nous ne voyons seulement qu’une partie de la réalité. De telles par­ti­cules ne sont pas "des parties" séparées, mais les facettes d’une unité sous-​​jacente, sem­blable à un holo­gramme. Cette unité serait pro­prement indi­vi­sible, comme pour l’exemple de l’hologramme fait à partir d’une rose. Tout objet de la réalité phy­sique serait compris dans des eidolons, l’univers lui-​​même serait une pro­jection, un holo­gramme. En plus de sa nature fantô­ma­tique, un tel univers pos­sé­derait d’autres par­ti­cu­la­rités, dif­fi­ciles à saisir pour nous qui vivons au niveau de l’illusion (et qui y avons adapté nos modes de pensée), mais répondant somme toute aux attentes pro­fondes de l’homme : celles de l’unité et de la cohé­rence, celle de l’explication der­nière de toute chose.
Si la sépa­ration appa­rente des par­ti­cules est illu­soire, cela signifie qu’à un niveau plus profond de la réalité toutes les choses de l’univers sont connectées en per­ma­nence. Le seul pro­blème reste à définir ce que sont ces choses, ces eidolons : est-​​ce des couples, des pairs, des opposés, des familles d’objets, des règnes (végétal, animal, humain…), des pla­nètes ou n’y a-​​t-​​il qu’un seul objet : l’univers entier ?
Les élec­trons d’un atome car­bo­nique dans le cerveau humain sont connectés aux par­ti­cules sous-​​atomiques de chaque saumon qui nage, de chaque cœur qui bat et de chaque étoile qui miroite dans le ciel. Tout est pro­fon­dément pénétré du Tout. Bien que la nature humaine puisse rechercher à caté­go­riser, à classer et sub­di­viser, les phé­no­mènes divers de l’univers, toutes les divi­sions sont arti­fi­cielles et l’ensemble que compose la nature étudiée est en fin de compte a seamless web. Dans un univers holo­gra­phique, même le temps et l’espace ne pourraient plus être vus comme prin­cipes de base, parce que des concepts comme l’emplacement et la mesure s’écroulent.
Dans un univers dans lequel rien n’est vraiment séparé d’autre chose, le temps et l’espace tridi­men­sionnel, comme les images du poisson sur le moniteur de contrôle, doivent aussi être vus comme les pro­jec­tions d’un ordre et d’une unité plus pro­fonds. Cette réalité sous-​​jacente peut être conçue comme une sorte de super­ho­lo­gramme dans lequel le passé, le présent et l’avenir existent simul­ta­nément. Cela suggère que si l’on nous donnait les outils appro­priés (dans l’hypothèse où ces outils puissent exister), nous serions capables d’atteindre au niveau super­ho­lo­gra­phique les scènes du passé… et de l’avenir.
Ce que le super­ho­lo­gramme pourrait contenir d’autre (que notre univers) reste une question ouverte. Il reste cependant permis de penser, dans l’état actuel des connais­sances, que ce super­ho­lo­gramme soit la matrice qui a donné nais­sance à notre univers : à la moindre particule qui a été, qui est et qui sera, à chaque confi­gu­ration pos­sible et à toutes les formes d’énergie, aux flocons de neige comme aux quasars, aux baleines bleues comme aux rayons gamma… Il doit être vu comme un super­en­trepôt cos­mique de "Tout ce qui Est."
 
 
Analogie de la goutte d’encre dans la glycérine
 
La manifestation de l’électron est comparée à celle d'une goutte d'encre qu'on laisse tomber dans de la glycérine contenue dans un cylindre de verre, à l'intérieur duquel il y a un cylindre métallique relié à une manivelle qui peut le faire tourner dans les deux sens. La goutte pénétrera dans la glycérine et sera bien visible. Si l'on tourne le cylindre métallique dans un sens, les contours de la goutte s'effaceront et elle disparaîtra ; si l'on tourne le cyclindre d'un mouvement analogue mais en sens contraire, la goutte réapparaîtra comme surgie du néant. Nécessairement, si l'on s'intéresse à la vitesse de la goutte (mouvement de la manivelle) sa position tendra à s'effacer. Et vice versa. Il s’agit donc là d’un effet d’optique.
 
 
Analogie de l’aquarium
 
Pour per­mettre aux non-​​scientifiques de mieux visua­liser ce que signifie le holomouvement (connexion inter-particules généralisée), Bohm propose l’image sui­vante. Ima­ginez un aquarium contenant un poisson. Ima­ginez aussi que vous êtes inca­pables de voir l’aquarium direc­tement et que votre seule source de connais­sance pro­vient de deux caméras de télé­vision, l’une posée en face de l’aquarium, l’autre sur le côté. En regardant les deux moni­teurs, vous pourriez sup­poser que le poisson sur chacun des écrans est une entité indi­vi­duelle. Parce que les caméras seraient ins­tallées selon des angles dif­fé­rents, chacune des images seraient légèrement dif­fé­rente. A force d’observer le deux poissons, vous vous rendez compte qu’il y a un certain rapport entre eux. Quand l’un des deux tourne, l’autre tourne également, selon un angle légè­rement dif­férent, ins­tan­ta­nément. Quand l’un montre son visage de front, l’autre se posi­tionne de côté. Si vous restez incons­cients de la pleine portée de la situation, de la différence entre ce qui vous est donné à voir et ce qui est, vous pourriez conclure que les poissons com­mu­niquent ins­tan­ta­nément entre eux. Ceci, dit Bohm, est pré­ci­sément ce qui se passe entre les micro­par­ti­cules dans l’expérience d’Aspect. La connexion appa­rente, plus-​​rapide-​​que-​​la-​​lumière, entre ces par­ti­cules devrait nous indiquer plutôt qu’il existe un niveau plus profond de réalité duquel nous sommes privés et dans lequel ces par­ti­cules ne sont pas séparées. C’est sim­plement déplacer à un niveau plus com­plexe, plus réel aussi, l’analogie de l’aquarium.
 
 
LA THÉORIE DE PRIBRAM
 
C’est notre intel­li­gence qui construit la "vraie" réalité en tenant compte de l’origine du domaine de fré­quences. Sa théorie a reçu de nom­breux appuis expé­ri­mentaux depuis sa conception. Il a été constaté que chacun de nos sens était sen­sible à une gamme beaucoup plus large de fré­quences que ce que l’on avait jusqu’ici soup­çonné. Les cher­cheurs ont découvert, par exemple, que nos sys­tèmes visuels étaient sen­sibles aux fré­quences sonores, que notre sens de l’odorat dépend de ce qu’on appelle com­mu­nément les "rayons cos­miques" (les fré­quences pro­venant du cosmos), et que même les cel­lules de nos corps sont sen­sibles à une large gamme de fré­quences. De telles décou­vertes sug­gèrent que ce soit seulement dans le domaine holo­gra­phique de conscience que telles fré­quences puissent être triées et transformées en per­cep­tions conventionnelles.
 
La traduction des fréquences faite par l’hologramme
 
Le sto­ckage de mémoire (sou­venirs) n’est pas la seule énigme neu­ro­phy­sio­lo­gique qui devient plus com­pré­hen­sible à la lumière du modèle du cerveau holo­gra­phique de Pribram. Un autre pro­blème, et non des moindres, est celui-​​ci : comment le cerveau est-​​il capable de tra­duire l’avalanche des fré­quences qu’il reçoit via les sens (les vibra­tions, les influx nerveux, les fréquences de sons, de la lumière visible…) dans le monde concret de nos per­cep­tions (avant de les trier et de les recon­naître). Le codage et le décodage des fré­quences sont pré­ci­sément ce qu’un holo­gramme fait le mieux. Un holo­gramme fonc­tionne comme une sorte de len­tille (un dis­po­sitif de tra­duction capable de convertir une tâche appa­remment sans signi­fi­cation de fréquence en une image logique). Pribram pense que le cerveau com­prend aussi une len­tille et utilise les prin­cipes holo­gra­phiques pour convertir mathé­ma­ti­quement les fré­quences qu’il reçoit par les sens en un monde inté­rieur de per­cep­tions (les sen­sa­tions deviennent perceptions). Un ensemble de preuves (de pro­cessus neu­ro­lo­giques décrits et avérés) suggère que le cerveau utilise les prin­cipes holo­gra­phiques pour exé­cuter ses opérations.
 
Ce que Pibram a tiré du modèle holo­gra­phique
 
Pribram a tiré du modèle holo­gra­phique une expli­cation per­mettant de résoudre l’énigme du sto­ckage de la mémoire dans le cerveau. Pendant des décennies, de nom­breuses études sur le sujet se sont mon­trées plutôt limitées dans leurs conclu­sions. Elles par­taient toutes de la prémisse que la mémoire était loca­lisée – loca­li­sable dans un ensemble de neu­rones (une partie du cerveau). Les progrès de la recherche ont permis de montrer que la mémoire était dis­persée partout dans le cerveau, que si elle sélec­tionnait telle partie dans son activité, chaque autre partie du cerveau (y compris de l’autre hémi­sphère) contenait l’ensemble des infor­ma­tions (y compris des fonc­tions du cerveau).
Cette "dupli­cation" de l’information existe à l’état latent et il ne se mani­feste que dans des situa­tions par­ti­cu­lières. On a ainsi pu opérer, il y a quelques années, une petite fille dont on a retiré l’un des deux hémi­sphères cer­vicaux. Aucune infor­mation (mémoire) ni aucune fonction (motrice, langage, spa­tiale, etc.) n’a été modifiée. L’activité du cerveau s’est concentré dans l’hémisphère restant, avant que l’autre ne repousse (ce fait médicale a été privi­légié dans les médias puisque c’était là le but de l’opération). Le cerveau une fois reconstitué en entier, il s’est ensuite réparti les tâches et les fonc­tions (et les infor­ma­tions) se sont de nouveau divisées dans les deux hémisphères.
Dans une expé­rience portant sur des points de repérage (qua­drillage du cerveau), datant des années 1920 et effectué par le spé­cia­liste du cerveau Karl Lashley, on a pu constater que peu importait quelle partie du cerveau d’un rat était retirée, l’ablation était inca­pable de sup­primer son sou­venir de la manière dont il devait exé­cuter des tâches com­plexes (apprises auparavant). Si l’expérience a été "rangée dans un tiroir", c’est parce qu’elle posait le problème suivant que per­sonne n’était capable d’inventer un méca­nisme capable d’expliquer ce curieux "tout dans chaque partie", qui est la nature du sto­ckage de la mémoire. L’expérience remettant en cause l’ensemble des conven­tions et des méca­nismes établis par la bio­logie (de l’époque), elle devait attendre des cher­cheurs comme Pribram pour refaire surface avec une théorie adéquate.
Dans les années 1960 en effet, Pribram ren­contre le concept d’holographie et com­prend ce qu’il avait d’abord constaté – avec l’ensemble du monde scien­ti­fique – dans la recherche sur le cerveau. Pribram pense que les mémoires sont codées, non pas dans les neu­rones ou dans de petits regrou­pe­ments de neu­rones, mais dans des modèles d’impulsions ner­veuse, entrecroisées dans le cerveau entier, de la même manière que dans les modèles de laser une inter­fé­rence légère entre­croise le secteur entier d’un morceau de film contenant une image holo­gra­phique. Autrement dit, Pribram croit que le cerveau est un hologramme.
La théorie de Pribram explique aussi comment le cerveau humain peut stocker tant de souvenirs (et des sou­venirs com­plexes, précis) dans si peu d’espace (et pouvoir les rap­peler à volonté, les associer, etc.). Pour l’anecdote, il a été évalué que le cerveau de l’homme avait la capacité pour retenir quelque chose de l’ordre de 10 mil­liard de "par­ti­cules" d’information pendant la durée d’une vie moyenne, gros­siè­rement la même quantité d’information contenue dans cinq col­lec­tions de l’Encyclopedia Bri­tannica. Cela signifie sim­plement qu’on ne connaît pas actuel­lement les limites de la mémoire du cerveau humain (d’où l’intérêt des études sur les génies de la mémoire, tels que les autistes sur­doués). Or, les holo­grammes possèdent une capacité éton­nante pour stocker de l’information : sim­plement en chan­geant l’angle de l’un des deux lasers qui frappent en une partie le film pho­to­gra­phique, il est possible d’enregistrer beaucoup d’images dif­fé­rentes sur la même surface. Il a été démontré qu’un cen­ti­mètre cube de film (holo­gra­phique) peut tenir bien 10 mil­liards de par­ti­cules d’information. C’est ici que l’anecdote devient coïncidence…
 
Extension au monde des phé­no­mènes acous­tiques du modèle holo­gra­phique
 
La théorie de Pribram a trouvé un appui chez d’autres neu­ro­phy­sio­lo­gistes, tel que le cher­cheur argentin-​​italien Hugo Zuca­relli. Ce dernier a étendu le modèle holo­gra­phique au monde des phé­no­mènes acous­tiques tels qu’ils pou­vaient être reçus et ana­lysés par le cerveau. Rendu per­plexe par le fait que les gens pou­vaient placer la source de sons sans déplacer leur tête, même s’ils pos­sé­daient seulement l’audition d’une oreille, Zuca­relli découvrit que les principes holo­gra­phiques pou­vaient expliquer cette capacité. Zuca­relli a également déve­loppé la tech­no­logie du son holo­pho­nique, un système d’enregistrement capable de repro­duire des situa­tions acous­tiques avec un réalisme exceptionnel.
 
  
 
LE PARADIGME HOLOGRAPHIQUE
 
Tel est le nom que porte cette image de la « réalité physique » basée sur la synthèse de la théorie de Bohm avec celle de Pribram. Ce para­digme pourrait servir de base à une science de la réalité.
Que la théorie de l’univers holo­gra­phique de Bohm et le para­digme holo­gra­phique de Pribram soient un jour accepté par la science ou qu’ils soient laissés à leur funeste sort dans le cimetière des idéa­lismes, ils ont déjà eu une influence sur la pensée de beaucoup de savants. Même s’il est constaté que le modèle holo­gra­phique ne fournit pas la meilleure expli­cation des com­mu­ni­ca­tions ins­tan­tanées et réci­proques entre des par­ti­cules sous-​​atomiques, du moins, comme l’a noté par Basil Hiley, un phy­sicien au Birbeck College à Londres, les décou­vertes d’Aspect indiquent que nous devons nous pré­parer à consi­dérer des aspects radica­lement vus sur la réalité – comme la phy­sique quan­tique en son temps
 
Il a aussi des impli­ca­tions sur des sciences reconnues (les sciences dures) comme la bio­logie
 
 Keith Floyd, un psy­cho­logue du Vir­ginia Intermont College, a déclaré que : si la réalité concrète n’était qu’une "illusion holo­gra­phique", on ne pourrait plus dire que le cerveau produit la conscience. Ce serait plutôt la conscience qui fait appa­raître le cerveau, aussi bien que le corps… et tout le reste autour que nous inter­prétons comme une réalité phy­sique . Un tel revi­rement dans notre conception des struc­tures bio­lo­giques a pro­voqué d’autres déclarations, en par­ti­culier les décla­ra­tions de cher­cheurs en médecine, pour qui la compréhension du pro­cessus de gué­rison pourrait aussi être trans­formée par le para­digme holo­gra­phique. Si la structure phy­sique appa­rente du corps n’est que la pro­jection holographique de conscience, il devient clair que chacun de nous est beaucoup plus responsable de notre santé que ne le pense aujourd’hui la médecine. De ce point de vue, les rémis­sions de maladies censées être mor­telles et les gué­risons mira­cu­leuses constatées par la médecine (en-​​dehors des gué­risons de Lourdes) seraient en réalité des chan­ge­ments dans la conscience (ou dans l’inconscient) qui chan­ge­raient à leur tour l’hologramme du corps. Les effets placebo et nocebo (l’inverse) trou­ve­raient ici toute leur signification.
 
Avec lui, le para­normal devient com­pré­hen­sible, il devient une partie de la nature
 
De nom­breux cher­cheurs, y compris Bohm et Pribram, ont noté que beaucoup de phé­no­mènes para­psy­chiques pou­vaient être ainsi résolus.
Dans un univers dans lequel l’intelligence indi­vi­duelle est en réalité indi­vi­sible, les parties plus grandes de l’hologramme sont connectées avec l’infiniment petit –  avec tout l’infiniment petit. Ainsi, une faculté psi comme la télé­pathie seraient sim­plement le signe d’une connexion (éphémère) au niveau holographique.
Ceci une fois accepté comme hypo­thèse, il devient plus facile de com­prendre comment l’information peut voyager de l’esprit d’un individu A à celle d’un individu B, sans tenir compte de la dis­tance : il suffit de consi­dérer A et B comme des par­ti­cules, les esprits comme des objets à part entière. Ils ne feraient qu’un, à un moment donné, parce qu’en réalité ils peuvent ne faire qu’un, ne fai­saient qu’un au niveau holo­gra­phique, mais faisant deux au niveau de la réalité physique.
Peut-​​être que celle-ci ne serait qu’un consensus, de ce qui est et de ce qui n’est pas, formulé et ratifié au niveau de l’inconscient, qu’il soit accepté ou non au niveau conscient. Ce consensus serait visible par tous et maté­ria­lisé par tous parce que tous les esprits pos­sé­deraient le même incons­cient, parce qu’ils seraient tous connectés par la partie holo­gra­phique ou incons­ciente de leur cerveau. Cet incons­cient pourrait être d’ailleurs du "conscient refoulé consciemment", comme le pensait Sartre, plutôt qu’une "mémoire cachée" consti­tutive à notre esprit et destinée à rester cachée.
Si la réalité n’était véri­ta­blement qu’un consensus, sans aucune nécessité, cela signi­fierait que les expé­riences comme celle que nous rap­porte le biologiste Lyall Watson (la danse rituelle d’une femme chaman qui était capable de faire se vola­ti­liser en un instant un bosquet d’arbres) ont quelque chose de "banal", d’aussi banal que le passage du facteur. Seulement, nous n’aurions pas "pro­grammé" nos esprits à y croire, nous n’aurions pas laissé la place à cette pos­si­bilité dans notre défi­nition de la "réalité phy­sique". La question ne serait donc pas de se demander si cela est pos­sible ou non, à quelles condi­tions, mais de se demander comment nous avons pu nous "pro­grammer". Le Bouddha pensait que les hommes étaient la propre source de leur malheur – et donc de leur libé­ration. Mais cette croyance n’est valable que si l’homme est véri­ta­blement libre, qu’il l’ait tou­jours été. Si l’on s’apercevait au contraire que l’homme avait été "pro­grammé" par quelqu’un ou par quelque chose, il faudrait​​ réagir conséquemment.
 
Il permet également de résoudre un certain nombre d’énigmes de la psy­cho­logie
 
Le pro­fesseur Sta­nislav Grof, par exemple, pense que le para­digme holo­gra­phique offre un modèle pour la com­pré­hension de beaucoup de phé­no­mènes expé­ri­mentés mais consi­dérés comme "embar­ras­sants", constatés chez les indi­vidus plongés dans un état modifié de la conscience, ce qu’on appelle com­mu­nément une transe (transe cha­ma­nique, par exemple). Dans les années 1950, Grof conduisait une recherche sur la croyance que le LSD consti­tuait un outil psy­cho­thé­ra­peu­tique. Il avait parmi ses patients une femme qui était sou­dai­nement convaincue qu’elle avait assumé l’identité d’une femelle d’une espèce de reptile préhistorique. Dans le cours de son hal­lu­ci­nation, elle a non seulement donné une des­cription détaillée de l’impression qu’elle avait d’avoir incorporé une telle forme, mais elle a noté que les mâles de l’espèce pos­sé­daient une série d’écailles colorées sur le côté de sa tête. Ce qui paru étrange à Grof, c’était que cette femme n’avait aucune connais­sance anté­rieure, aucun intérêt auparavant dans ce domaine. Plus tard, la conver­sation avec un zoo­lo­giste lui confirma que dans une cer­taine espèce de rep­tiles, un pan de cou­leurs sur le côté de la tête joue en effet un rôle important dans la parade sexuelle.
L’expérience de cette femme n’est pas unique. Dans le cours de ses recherches, Grof a rencontré d’autres patients régressant et s’identifiant avec d’autres espèces sur l’arbre de l’évolution. Souvent, ces régres­sions ame­naient dans leur des­cription des détails très précis en zoo­logie. Ces régres­sions dans le règne animal n’est pas le seul phé­nomène psy­cho­lo­gique qui ren­contra Grof. Il y avait aussi des patients qui parais­saient entrer avec le savoir "col­lectif" de sociétés ou de peuples dis­parus depuis long­temps. Les per­sonnes en régression avaient subi peu ou pas d’éducation et leur dis­cours devenait soudain très détaillé, très riche en informations, par exemple en décrivant les pra­tiques funé­raires du zoroas­trisme ou des scènes de la mytho­logie hindoue. Dans d’autres caté­gories d’expériences, les "malades" ont donné des compte-​​rendus per­suasifs de voyages hors du corps (mêmes étapes de la décor­po­ration, détails de ce qu’ils ont vu dans un autre lieu), ils ont fait la preuve d’une capacité de précognition (décrire l’avenir) et ils ont semblé régressé dans une incar­nation datant d’une vie pré­cé­dente. Dans une recherche pos­té­rieure, Grof a trouvé la même gamme de phé­no­mènes se mani­fester dans des pro­cédés thé­ra­peu­tiques qui n’impliquaient pas l’utilisation de drogues ou de médi­ca­ments. L’élément commun à telles expé­riences sem­blait être le dépas­sement de la conscience d’un individu au-​​delà des fron­tières l’habituelles de l’ego et/​ou des limi­ta­tions de l’espace-temps. Grof a donné le nom de "trans­per­sonnel" à de telles mani­fes­ta­tions. A la fin des années 60, il a aidé a fonder une nou­velle branche de la psy­cho­logie appelée "psy­cho­logie trans­per­so­nelle" et consacrée entiè­rement à l’étude de ces "mani­fes­ta­tions". Bien que l’Association fondée par Grof ait recueillie un groupe rapi­dement nom­breux de pro­fes­sionnels par­ta­geant ses opi­nions, elle n’est pas devenue une branche reconnue de la psy­cho­logie.
Pendant des années, aucun autre que Grof n’était capable de donner un méca­nisme capable d’expliquer de tels phé­no­mènes. Mais cela a changé avec l’apparition du para­digme holographique. Comme Grof l’a récemment noté, si l’esprit fait en réalité partie d’un continuum, un "laby­rinthe" qui est connecté non seulement à chaque autre esprit (qui existe ou qui a existé), mais également à chaque atome, orga­nisme ou la région dans l’immensité de l’espace et du temps lui-​​même, le fait que l’on soit capable, de temps en temps, de faire des incur­sions dans le "laby­rinthe" et d’avoir des expé­riences "trans­per­son­nelles" ne semble pas si étrange.
 
 
 
SUR LES « LIMITES DE LA PENSÉE »
 
Les dialogues du physicien David Bohm et du maître spirituel  Krishnamurti ont été rassemblés dans le livre intitulé « Les limites de la pensée » (Edit. Stock Pocket, janv.2011).
David Bohm avait choisi ce penseur comme interlocuteur parce qu’il avait repéré son aptitude à penser que l’observation est à la fois « celui qui observe et ce qui est observé ». En effet le physicien quantique ne peut évoluer que dans l’intrication (« entanglement » en anglais), qui est le règne du « et ».
Ceci nous amène à plusieurs réflexions : dans les faits, les dictionnaires qui régissent notre langue n’ont pas encore retenu, pour les différents mots, les acceptions qui proviennent de la psychophysique. Les académiciens qui se consacrent à la révision du dictionnaire semblent plus préoccupés par les mots nouveaux de la langue que par les acceptions complémentaires. Il y a pourtant beaucoup à gagner de cette régénération. Pour le dictionnaire actuel, l’observation est ce qui est observé, pour celui qui devrait être mis à jour, comme on vient de le faire observer ; l’observation est à la fois celui qui observe et ce qui est observé. De même pour la perception, celui qui perçoit et la chose perçue ne font qu’un. D’une façon plus générale, il faut bien comprendre que l’ordinateur du présent fonctionne sur le 0 ou 1 et que l’ordinateur du futur fonctionnera sur le 0 et 1. Il y a tout lieu de penser que toutes ces implications de la quatrième dimension dans notre vécu – que ce soit dans les mathématiques ou dans nos échanges –, prendront énormément de temps pour s’imposer.
 
 
SYNTHÈSE
 
L’examen détaillé des six chapitres retraçant les dialogues intervenus entre Bohm et Krishnamurti – à Gstaad en 1975, ainsi que ceux qui se sont déroulés à Brockwood Park en 1975 et 1980 –, permettent de synthétiser la pensée des deux interlocuteurs selon les quatre rubriques suivantes :
        Des principes directeurs à partir de mots clés
        Le redressement d’erreurs d’appréciation
        Des acceptions qui ne figurent pas dans les dictionnaires.
        Des rapprochements inhabituels
 
       Des principes directeurs à partir de mots clés tels que
 
Espace (l’), est de deux sortes dont l’une divise et l’autre non. Lorsque je vois quelque chose – disons une bougie –, il y a bien un espace, une distance créée par le mot, la dénomination verbale ; l’acte de voir, quant à lui, n’implique aucune distance. En revanche, la division apparaît dès que l’on dit : « Je vois ».
Et c’est le premier, l’espace exempt de division qui englobe toute chose. En effet, dans cette perception doublée d’une action il n’est point de division. (La division va de pair avec le prétendu espace du temps et de la distance, etc.). Toute division étant exclue la perception agissante se situe dans l’espace. Toute chose s’y inscrit : en fait, ilenglobe tout.
Cet espace est exempt de toute division, on pourrait presque le définir comme étant le fondement de la substance sous-jacente.Si je vous aime, ou si je ne vous aime pas, je crée entre nous un espace – qui n’a rien à voir avec cette liberté qui est le propre de l’espace que nous évoquons. Un espace « grand ouvert », en quelque sorte. Cette zone franche forme un seul et même espace, qui inclut l’espace extérieur, tous les objets étant en un sens contenus dans cet espace global où ils sont tous unis, ne font qu’un. Et sans espace nous ne pourrions exister.
 
L’espace sur lequel nous insistons est aussi l’espace de l’activité mentale. Tout comme il existe un espace visuel, un espace que nous pouvons percevoir comme formant un tout, il y a aussi un espace mental. La réalité saurait-elle se situer dans cet espace de l’esprit ? La réalité, c’est l’espace
Lorsqu’on dit percevoir la totalité du réel à partir d’un espace donné, l’ensemble de cette réalité est-elle tout entière contenue dans l’espace mental ?
Voir et agir sont une seule et même chose. La division n’a pas sa place dans cet espace-là. Par conséquent l’espace en question, c’est la liberté du néant.
Le néant – qui est absence de toute chose – est identique à la liberté, car tant qu’une chose est une chose (un objet), elle n’est pas libre. Ainsi, la vérité c’est le néant – le rien, la non-chose. L’action du néant, qui est l’intelligence présente dans le réel – une intelligence libre de toute contingence –, s’exprime au sein de la réalité sans qu’aucune distorsion n’intervienne. Si notre esprit est dépourvu d’espace mais encombré de problèmes, d’images, de souvenirs, de connaissances, il n’est pas libre, il est donc incapable de voir et, ne voyant rien, il est incapable d’agir. Mon esprit est trop plein pour être libre, il n’y a plus de place, plus d’espace en lui.Etant sous l’emprise de tous ces phénomènes, il devient le jouet de son environnement, de ces distorsions qui ne cessent de s’ajouter les unes aux autres.
Mais l’esprit qui est vide, qui n’est rien, est capable, lui, de voir et donc d’agir, et cet agir est vérité. N’étant pas issu de la pensée, il n’est pas limité.                    
C’est donc que cet espace peut percevoir les objets appartenant au réel et agir en fonction de ceux-ci. C’est dire tout simplement que cet espace peut entrer en relation avec l'objet.
Il n'existe aucune réalité dans l'espace, mais une certaine forme d'essence est présente lorsqu'on est au contact de la chose; étant entendu que la chose est ici la pensée, ce à quoi nous pensons. Cette pensée est en somme prise pour un fait acquis.
Le réel, c’est tout ce qui peut être objet de pensée. Posons la question ainsi : quel rapport y a-t-il entre cet espace et la pensée ? Si la pensée avait créé cet espace, il y aurait un rapport entre eux. Mais ce n'est pas elle qui a créé cet espace.
Nous disons donc que la vérité peut agir au sein du réel, mais que la réalité ne peut agir au niveau de la vérité. Cet espace peut donc agir sur la réalité ou sur la pensée, mais l'inverse n'est pas possible.
Cet espace agit en sens unique et son action vise essentiellement à remettre de l’ordre. En sa vacuité, l’espace serait le lieu d'une énergie dotée d'un ordre parfait. Quand c’est chose faite, la pensée peut poursuivre son cours toute seule.
Quel rapport y a-t-il donc entre cet espace et la pensée ?
Il n'a aucun lien avec le contenu de la pen­sée. Mais en un certain sens, la pensée est aussi présente au sein de ce qui est. En d'autres termes, la pensée est une réalité, dans la mesure où nous disons qu’elle ne fonctionne pas correctement...
Peut-on dire que dès lors qu'elle fonc­tionne de manière juste, rationnelle, saine, sainte, c'est qu'elle est en relation avec cet espace ? Les deux, en quelque sorte, agissent en parallèle.  Mais cet espace peut aussi agir sur la pensée pour l'aider à garder cette trajectoire parallèle : c'est une rela­tion à sens unique.
Plus distinctement, si l'on considère le contenu de la pensée, c'est-à-dire la conscience, elle n'exerce aucune action sur l'espace en question. Mais ce que l’on peut dire, c’est que les distorsions de la pensée vont bien au-delà du contenu.Elles mettent en cause le mode de fonctionnement de la pensée.
 
Pensée (la), c’est tout ce qui procède de la mesure, du mouvement et du temps. Sans la vérité, c’est donc un processus de division.
La pensée peut se rendre compte qu’elle fait une erreur, avec l'aide de l'attention et de la vigilance, etc. Etant source de désordre, la pensée peut se mettre entre parenthèses pour laisser place à l’ordre. Et c’est avec l’aide de l’attention et de la vigilance qu’elle voit tout cela.
Dès lors qu’elle a son propre cours, la pensée ne pourra jamais résoudre les problèmes de l’homme.
Lapensées'estappropriélanotiondecentreàdesfinspsychologiques.Elleaaussicrééle«moi» sous la forme d'une entité permanente.
La pensée n'étant pas capable de réaliser qu'elle est mécanique, elle s'est mise à traiter ses propres manifestations comme étant ani­mées de vie.
Si, laissée à elle-même, la pensée s'effiloche – l'instauration d'un centre fait en sorte que tout se tienne.
À ce centre, la pensée attribue ses propres origines ; elle s'attribue donc l'exclusivité de la vérité. Une fois que la pensée a inventé ce centre, elle peut ensuite lui attribuer les qualités de son choix, telles que la faculté de penser ou de ressentir.
Et, s'il y a douleur ou plaisir, elle va les attribuer au centre lui-même qui, ainsi, prend vie peu à peu.
La pensée n'a qu'une fonction méca­nique ; elle n'est pas créa­tive, donc pas intelligente. Elle a tout loisir d'agir dans tous les domaines de façon mécanique sans avoir à recourir à un centre psychologique qui n’existe que pour la pérenniser. D’où une pensée fragmentaire et ce centre qui est un pôle de permanence, un pivot qui retient tout ce qui gravite autour de lui. Le monde entier tient grâce à ce centre. Car quiconque a l'impression d'avoir perdu son centre a aussi l'impression que tout son univers s'écroule.
Le centre est donc identique au monde et la pensée est fragmentée parce qu'elle s'est dissociée de l'objet qu'elle a créé de toutes pièces.
En résumé : la pensée s'est arrogé un centre, censéêtre distinct d'elle-même, alors qu'en fait c'est elle qui l'a créé et qu'elle est identique à lui.
Elle est elle-même ce centre auquel, par fragmentation, elle attribue.certaines propriétés – celle d'être vivant et réel, etc
D'où une fragmentation généralisée, s'étendant forcément à tout le reste de notre existence. Car, pour maintenir cette notion de sépara­tion entre la pensée et le centre, la pensée doit tout fractionner en conséquence.
La pensée, comme le veulent toutes les traditions ne s’arrête jamais.
 
Vérité (la) est dans chaque action qui nous évite de céder au piège du désir, lui-même attaché à la description qui en a été faite ; la vérité, contrairement au réel, n'a pas de continuité.
La vérité n’a d’intérêt que si elle est capable d'agir et d'instaurer l'ordre au niveau dece monde-ci. Elle a une vitalité, un mouvement qui lui sont propres. Demander quel rôle la vérité peut jouer dans l'univers du réel est pour Krishnamurti une fausse question.
Lorsque nous disons qu'il y a d'une part la vérité et de l'autre la réalité factuelle, la façon dont nousemployonsd'ordi­naireleterme«factuel» recouvre parfaitement la notion d'«individuel ». Il me semble que ce qui est de l'ordre des faits est individuel, et indivisible. Cette vérité va donc au-delà de la réalité tangible et individuelle des faits, parce qu'elle a de toute chose une vision intégrale. Elle voit ce qui est universel et nécessaire, elle a une vision panora­mique de la naturede la pensée qui couvre par conséquent chaque échantillon individuel de pensée.
 
 
Perception (la) intervient quand le perçu et le percevant se confondent. Au terme, le percevant disparaît au seul profit de la perception pleine et entière qui englobe toute chose. La perception est abstraite : la pensée n'y joue aucun rôle.
Il n'y a donc pas une perception de l'avidité, une perception des croyances, une perception des religions institutionnelles ; par déduction, il n’y a une perception que de ce qui est.
Le sujet perceptif n'existe pas,mais celui qui perçoit est le centre.
Et la pensée attribue à ce centre la qualité de sujet perceptif, de sujet agissant, de penseur, de sujet d'expériences, etc.
Sujet perceptif : s’il y a souffrance, elle  apparaît lorsque la douleur est attribuée à ce centre.
Sujet agissant : son action modifie forcément la nature de la pensée, de même qu'elle modifie les cellules du cerveau.
Une perception authentique serait celle qui verrait la nature de la pensée, et, parce qu'elle en percevrait  la nature, elle en percevrait tous les fragments épars.
 
Perception en sa totalité (la), comme déjà dit, permet de saisir les choses dans leur intégralité.
 La vision que l'on a de l'avidité, de l'envie et de tout le reste n'est pas une vision partielle : on en a une perception totale. Ce qui signifie que l'on sai­sit pleinement toutes ces constructions mentales, y compris la scission entre la pensée et le centre dont elle s'est dissociée.
En outre, la per­ception totale revient à voir la pensée s'attribuer certaines qualités, à la voir engendrer le centre et lui prêter certains attributs, et à constater tous les phénomènes issus de ce noyau psychologique. C'est ce qu'on appelle souvent la structure fondamentale, l'essence. Et cette structure n’est pas uniquement valable pour telle pensée ou telle autre, tel problème ou tel autre, elle est universelle. On la dit effectivement possible – rien de plus. Et parce qu’on la dit ainsi, on la voit, on la sent, on voit la vérité de ces paroles. Ce qu’on dit est la vérité ; ce n'est ni ma vérité ni celle d’un autre, c'est la vérité qui se confond avec ce qui est – en tant que fait avéré, tangible.
 
Libre-arbitre (le)
Selon une théorie récemment proposée[1], le champ électromagnétique connu depuis un siècle et généré par le fonctionnement électrique du cerveau résulterait de la superposition des champs produits par l'activité synchrone des assemblées de neurones responsables notamment de la perception et de la veille. Ce champ serait le support de la conscience[2]. Il induirait ou commanderait en retour des activités neuronales dans le domaine dit volontaire, conduisant notamment à des actions motrices.
Ainsi, les réseaux neuronaux dont la coopération (binding) par les voies traditionnelles de la transmission synaptique délimitent un « espace de travail conscient » analysé depuis quelques années ; elles seraient reliées simultanément de façon beaucoup plus souple par une dynamique de champs électromagnétiques mieux aptes à rendre compte des caractères particuliers de la conscience. Toute une série de conséquences pratiques pourraient être tirées de cette interprétation, qui redonne à la conscience un rôle induit, mais déterminant, dans la conduite du comportement.
L'article principal du Journal of conciousness est signé par le Dr Johnjoe McFadden, qui vient de publier un livre plus ambitieux : "L'évolution quantique. Une nouvelle théorie de la vie". Dans cet ouvrage, l'auteur situe les champs magnétiques conscients dans une théorie plus générale de la vie comme phénomène se développant à la frontière du monde quantique et de notre monde matériel. Il montre comment la manipulation des particules quantiques par les molécules vivantes, an niveau notamment des enzymes et de l'ADN, peut, dans une certaine mesure, accélérer les mutations favorables à l'adaptation darwinienne de ces molécules. Les champs électromagnétiques conscients, impliquant eux aussi des particules quantiques notamment dans les canaux ioniques des neurones, participent, au niveau supérieur du système nerveux, à cette évolution « dirigée ».
Plusieurs scientifiques et philosophes ont déjà abordé ces problématiques, espérant y trouver des réponses aux questions que la science d'aujourd'hui laisse sans solutions : qu'est-ce exactement que la vie ? Qu'est-ce que la conscience ? Le libre-arbitre est-il une réalité et de quelle façon peut-il s'exprimer ? Mais le travail du Dr McFadden nous a surpris par sa rigueur et son ambition. Il suscitera certainement de nombreuses oppositions, sans doute autant partisanes que scientifiques. Nous pensons néanmoins qu'il est impératif de connaître et approfondir de telles hypothèses. Si elles se révélaient fondées, elles bouleverseraient radicalement notre conception du monde et de la place que peut y tenir la conscience – sans pour autant provoquer un retour à des conceptions religieuses ou morales de celle-ci et de la « liberté » humaine qui sortiraient du domaine de la connaissance scientifique proprement dite.
Ajoutons que le lien assuré entre le monde matériel et le monde quantique par de telles recherches sera particulièrement opportun à un moment où le développement des automates intelligents évolutionnaires utilisant des composants fournis par les nanotechnologies (elles-mêmes à la frontière du quantique) va constituer un pas de plus dans l'unification de la physique, de la biologie et des sciences cognitives.
 
Conscience (la) est constituée par la perception totale du contenu de la pensée, de sa nature et de toutes ses acti­vités. Or ce contenu constitue la conscience et tout ce qui s'ensuit tout ce qui for­mait jusque-là le centre. La perception totale n'est possible qu'en l'absence de ce centre  alors la conscience devient forcément d’une tout autre nature.
La conscience qui est la nôtre est dotée d'un centre, fait de tout un contenu, de toute une pensée, de tout un mouvement et quand tout cela est vraiment perçu, rien de tout cela n'existe plus. Le centre n'est plus, et l'ordre tout entier change. Dans ce cas, les cellules cérébrales pourraient se mettre à fonction­ner différemment.
En fait, les seuls sentiments que le centre puisse avoir sont ceux qu'il s'attribue à lui-même, sa compassion ira donc aux objets auxquels il peut s'identifier. Le centre, inapte à toute compréhension, ne serait pour cette raison qu'une chose sans importance.
 
Compassion (la) est synonyme de perception totale du fait qu’elle englobe ce sentiment qui s'adresse à tous et à toute chose. C’est l'une de ses qualités.
 
Désir (le) est fondé sur l’imagination – non seulement sur l’anticipation d’un plaisir, mais sur l’image qu’on se fait de la beauté et même du bien.
Il se situe dans le plan du réel, tout en faisant en quelque sorte semblant de ne pas en faire partie, se présentant ainsi comme étant une voie vers la vérité.
 
Plaisir (le) est associé à la beauté. D'un point de vue général, le fait même que le terme d'«amour» soit lié au désir mais aussi à la beauté suggérerait qu'il existe une association entre plaisir et beauté. D'une chose belle, on attend en principe qu'elle soit source d'expériences gratifiantes.
 
Beauté (la) n'est pas du côté de la réalité, elle est de l'ordre de l'essence.
 
Bien (le)en tant qu'essence de ce qui est bien et bon ne fait pas partie du réel. Il n'a aucun lien ni avec la pensée ni avec le mal.
 
Mal (le) qui provient de la pensée désordonnée ne prendra fin que quand celle-ci fera de même.
 
Temps (le), ce mouvement de la pensée, aussi longtemps qu’il existera, le mal et la souffrance perdureront.
 
Énergie(l’) est une seule et même force, qui est mise à profit dans l'uni­vers du réel, et qui est par conséquent destructible, pervertie, et source de destruction, de dégénéres­cence, etc. C’est cette même énergie qui constitue le néant, et le néant n'est autre que la mort.
 
Mesure (la) est l’univers du réel et, dans ce cadre du réel, elle peut être juste ou fausse.
 
Chose juste (la notion de)  est une idée qui se tient mais qui peut être transcendée par une autre perception, celle d’un plan où la pensée n’a pas d’accès, celui du néant. Sil existe une relation possible entre une pure vérité et un hypothétique néant, alors je me mets désirer l’irréel, ce qui jamais ne s'achève, ni ne commence, ni ne connaisse la souffrance.
 
Mourir à la réalité veut dire mourir à tout ce qui résulte de la pensée. Cela veut dire mourir à tout ce qui procède de la mesure, du mouvement et du temps.
 
Néant (le), je ne sais rien de lui. Il dépasse mon imagination. J'ignore ce qu'il est, ce n'est donc pas lui qui fait l'objet de mes préoccupations, mais ce monde-ci - celui où je vis. Et, dans ce monde, je suis toujours coincé entre le vrai et le faux, entre juste mesure et fausse mesure, et j'es­saie constamment de me maintenir en équilibre entre les deux.
 
État de néant (l’), contrairement au néant existe. Ce que l’on attend généralement de cet état de néant c’est qu’il ne donne pas naissance à un homme dont les actes soient dictés par le mal.
 
Mal agir (le) de tout homme ne saurait être inspiré par le néant ou Dieu ; cette conviction est ancrée dans toutes nos traditions.
 
Relation (la) considéréedans toute son ampleur (rapport de quelque chose à quelqu’autre),est perçue réellement – c’est donc que celui qui perçoit et la chose perçue ne font plus qu’un, que celui qui perçoit n’existe plus, que seule reste la perception – alors l’ensemble de ce champ du réel cesse d’exister.
Le vainqueur de l’Everest, par exemple,  peut me raconter les splen­deurs de son ascension, mais moi je suis toujours dans la vallée. Et je meurs d'envie de voir ce qu'il a vu. C'est cela, l'objet de mon désir – jouir de la description, mais pas faire l'ascension.
 
Dialectique (la) : on fait telle chose, ensuite on l'examine ; elle peut se révéler pleine de contradictions, et l'on doit y renoncer. Telle est donc sa démarche.
  
Créativité (la) est incréée et ignore toute croissance. Il naît de cette source un cerveau nouveau, vierge de toute flétrissure.
 
Tradition (la) veut que la pensée soit toujours présente, sans jamais s’interrompre. Toute tradition est liée à ce sentiment d'appartenance à la famille et à la communauté, liée aussi à ce désir d'être approuvé non seulement parce que vous faites ce qu'on vous dit de faire, ce que vous êtes censé faire, mais parce que vous croyez à ce en quoi vous êtes censé croire, que vous croyez en ce qui est réel. En bref, le consensus qui s’établit à travers elle permet de croire que ce n'est pas nous qui créons notre propre réalité.
La plus ancienne tradition de l'humanité fut celle du mystère, vint ensuite la tradition moderne de la rationalité – l'idée de s'affranchir de toute forme de tradition.
Néanmoins, l’idée de rompre avec elle – de devoir vivre dans la peur, de ne plus avoir de rôle social, ni de sécurité –.nous semble impossible.
Reste que tout cela résulte de l'infliction d'un dommage, une sorte de dis­torsion due à l'altération d'un cerveau endommagé –, et tout cerveau endommagé, quoi qu'il fasse, reste toujours enfermé dans cette sphère étroite.
Ce cerveau altéré a ainsi tendance à tirer des conclusions hâtives et à les faire passer pour des faits avérés. Serait-ce irrémédiable ?
Pour en sortir la première nécessité est de prendre conscience des faits. Ensuite, une fois qu’on a saisi, il faut que quelqu’un vous parle, et vous touche au plus profond de votre pensée. Alors si ce flash de lucidité, et si cet insondable vous est devenu perceptible, votre cerveau subira, comme il en a l’aptitude, un grand choc en retour.
Et parce qu’on lui a fait toucher du doigt tous les rouages de la pensée, la pensée se tait. Et ce sentiment d'infini ne peut en aucun cas sombrer dans l'habitude. Car si cet infini sombre dans l'habitude, on retombe dans la tradition, la peur d'être dépossédé, etc.
Il est tout à fait concevable que, hors de la conscience ordinaire – où l’infini n’existe pas –, il existe un autre type de conscience qui fait pourtant toujours partie des fonctions du cerveau. C’est le « cerveau » qui a évolué avec le temps de la même manière que le reste de la nature.
Il existe en effet une structure cérébrale qui a évolué au cours du temps, mais il se peut que cette struc­ture dépasse les limites de la pensée. Et qu'elle englobe, par exemple, l'attention et la conscience claire.
Sans que l’attention dépende entièrement du temps, la structure cérébrale qui est capable d'attention est liée au temps, à la croissance, à la culture. Avec l'âge, le cerveau gagnerait en maturité, et ses aptitudes, en quelque sorte, se trouveraient amé­liorées. En somme, le temps serait à l'origine de l'éclosion de certaines aptitudes.
Or, qui dit capacité dit temps et plus précisément enjeu de croissance – qui vaut également pour  la vérité et la compassion :  un enfant n'a pas les mêmes capacités qu'un adulte. Et ces aptitudes peuvent agir sur la structure matérielle du cerveau, de sorte qu'il subit une modification physique – sa durée de vie, son comportement eux-mêmes ne sont plus les mêmes, quelque chose de nouveau s'immisce dans le temps.
De proche en proche, de croissance on passe à création –, car créer veut dire littéralement faire croître –, et comme le sujet agissant est également sujet perceptif, on voit que création et perception ne font qu’un – que créativité et perception sont deux abstractions synonymes.
Le propre de ces deux notions (leur essence), est d’être hors du temps et donc pas cultivables ;
leur croissance ne peut être forcée, de sorte que la source, l'essence de la créativité ignore toute notion de croissance, mais que la créativité est apte à favoriser certaines éclosions dans des domaines où le temps a cours.
Cet incréé constitue la brèche vers la naissance d'une nouvelle société, d'un homme nouveau,
d’un nouveau cer­veau, vierge de toute flétrissure, allant à contre-courant du poids des traditions, à contre-courant de tout ce qui nous dit : « Surtout ne fais pas cela.»
 
Esprit (l’) : L'homme a fait fausse route lorsqu'il s'est mis à appliquer à son monde et au monde extérieur des normes de mesure iden­tiques ; c'était une profonde erreur. De sorte que, si l’on perçoit en toute lucidité ce qu'est la mesure, alors non seulement une vision pénétrante bannit définitivement tout geste de mesure, mais un ordre différent apparaît. Ce n'est toutefois qu’une restructuration, du fait que, dès l'ori­gine, les choses étaient en ordre et, dans la pratique, c'est ce souci de mesure – cette dernière échappant à tout contrôle –, qui a provoqué le dérapage,
Ceci étant établi, l'esprit peut-il, grâce à la méditation – mais une méditation dépouillée de toute notion de mesure, de comparaison –, découvrir un ordre, un état dans lequel il y a quelque chose que l'homme n'a pas créé ?
Quand on a fait le tour de toutes les créations de l'homme : toutes sont limitées – en elles, point de liberté, rien que le chaos. Non seulement la religion, les cultes, les prières, la science, les angoisses, la souffrance, l'attachement, la soli­tude, la douleur, la confusion, la peine, etc.– mais aussi tout ce qui prétend passer par la révolution physique et psychique. L'homme est derrière tout cela.
Tant de gens se sont posé la question, et disent : « Dieu est derrière tout cela » - mais ce n'est qu'un concept de plus, et ce concept même engendre le désordre.
À présent, toutes ces considérations sont pour nous devenues caduques. Reste alors une question : y a-t-il, au-delà de tout cela, quelque chose que la pensée humaine, l'esprit humain n'aient jamais touché ?
Quand on dit 1'«esprit», ce terme désigne-t-il uniquement la pensée, le sentiment, le désir, ou quelque chose de beaucoup plus vaste ?
Bien qu’on ait toujours dit que l'es­prit humain, c'était tout cela à la fois, ce n'est plus le cas à présent puisque l'es­prit est considéré comme étant limité à cause de tous ces pièges.
Or, l’esprit humain a un potentiel énorme dont il n'a pas conscience actuellement, car il est pris au piège de la pensée, du sentiment, du désir, du vouloir, et autres choses du même genre.
Mais que peut représenter pour nous un esprit qui transcenderait ces limites, un esprit qui soit sans limites ?
Cet esprit, de par l'ensemble de sa nature, de sa struc­ture, inclut à la fois les émotions, le cerveau, les réactions émotionnelles et physiologiques. Englobant tout cela, il aura vécu dans l'agita­tion, dans le chaos, dans la solitude, et aura compris tout cela grâce à la vision pénétrante venue déblayer le terrain. Ainsi, cet esprit n'a plus rien à voir avec l'esprit d'avant et s’il n'est plus ni limité ni altéré, c’est qu’un processus nouveau s’est mis en place. Comme un individu qui aurait suivi la même voie pendant cinquante ans : s'il réalise soudain qu'il n'est pas dans la bonne direction, tout son cerveau se métamorphose. Il change du tout au tout, la structure inadéquate est démantelée et le cerveau est guéri.
Mais cet esprit nouveau – auparavant limité, mais qui dans un flash de vision est devenu conscient de ses limites et s'en est dégagé – est-ilauthentiquementréel ? Est-il devenu quelque chose de formi­dablement révolutionnaire ? Si cet esprit-là (esprit tout humain), qui était limité – avec sa conscience, limitée comme lui –, n'existe plus, alors on est en droit de se poser la question, qu'est-ce que l'esprit, que devient la personne, que devient l'être humain ? Et quelle relation y a-t-il entre cet esprit rénové, sans plus de trace humaine, et l'autre – qui portait l'empreinte de l'homme ? L'esprit, conditionné par l'homme, peut-il, de façon si paradoxale, se déconditionner de manière si totale qu'il ne soit plus cet esprit qu'avait façonné l'homme ? Un esprit forgé par l'homme peut-il s'affranchir complètement de lui-même ?
Eclairons le sujet en changeant d’échelle. La conscience de l'humanité n'est autre que son contenu – c'est un fait observable. Et ce contenu, c'est tout ce qui émane de l'homme –l'angoisse, la peur, etc., non seulement à l'échelon individuel, mais également à l'échelon universel. La vision pénétrante permet à l'esprit de percevoir les faits et de s'en délivrer. Cela sous-entend que, depuis toujours, il était potentiellement doté de qualités supérieures – et la vision pénétrante lui a permis de se libérer des contingences.
Cette vision pénétrante signi­fie la disparition de tout le contenu de la conscience. Et non bribe par bribe, mais en totalité. Et cette vision n'est pas l'aboutissement d'un effort de la part de l'homme. Elle a son origine simultanément dans le cerveau lui-même et dans l'es­prit lui-même, bref dans la sphère mentale. Ce geste d’effacement, c'est la vision pénétrante, le mouve­ment de perception lucide qui, sans être le fruit d’une conscience ordinaire, se situe toujours au niveau de l'esprit qui dispose d’un potentiel capable de transcender cette conscience.
Ainsi cet esprit, s'étant affranchi des structures individuelles et collectives de la conscience humaine, c’est-à-dire de ses limites, est devenu maintenant beaucoup plus vaste et n'a donc plus rien à voir avec l'esprit conditionné. Mais alors, cet esprit nouveau, en quoi consiste-t-il ? Dans le fait de la prise de conscience d'avoir brisé le piège de l'illusion.
Donc cet esprit existe et, d’évidence, l'esprit façonné par l'homme ne peut plus avoir de relation avec cet esprit-là, alors que l’esprit rénové a toujours la possibilité d’entrer en contact avec le précédent, mais surtout pas avec les illusions qui l’ha­bitent.
En résumé, mon esprit est l'esprit humain. II a des illusions, des désirs, etc. Et puis il1 y a cet autre esprit qui, lui, n'en a pas, et qui transcende toute limite. Mais l’esprit illusoire, celui que l'humanité s'est forgé, est toujours en quête de cette autre dimension de l'esprit, car notre esprit ne cesse de mesurer, il «pro­gresse», il dit : «J'approche du but, j'avance. » Et cet esprit, tel qu'il est forgé par l'homme, tel que le façon­nent tous les êtres humains, est perpétuellement à la recherche de cette dimension, entraînant par là même toujours plus de confusion et de malheur. Or cet esprit humain qui est le nôtre ne peut entrer en relation avec cette autre dimension, alors que cet autre esprit peut néanmoins entrer en relation avec le précédent, sans aucune réciprocité. C’est donc une relation univoque qui peut s’établir facultativement.
Pour comprendre cette situation, cherchons dans notre existence un vécu similaire. Se poser, par exemple, la question de l’« amour » et de la « haine » qui n'ont en réalité aucun lien entre eux. Il y a cependant une possibilité que l'amour comprenne l'origine de la haine, et comment celle-ci naît. Éprouvant de la haine, on peut en voir l'origine, par exemple en une insulte, raison superficielle s’il en est. Alors que la raison profonde, c'est ce qui pousse à agir de manière si irrationnelle.L’insulteenelle-mêmen’ayantrienderéel,alors pourquoi répondre aux insultes ?
Parce qu’on est ainsi fait. Telle serait notre « compréhension de l'origine de la haine», l’amour, quant à lui, n’ayant rien de déterminant à accomplir, sauf à favoriser éventuellement un mouvement de recul pour que lui-même advienne.
Pour éclairer le sujet, supposons qu'un individu (A) ait en lui cet amour, alors qu'un autre (B) – tout haineux qu’il est – s’en trouve dépourvu. Se pourrait-il alors qu'une fois la haine de (B) comprise et abolie, l'amour que (A) a en sa possession, advienne? L’amour de (A), quelque leçon moralisatrice qu’il ait pu adresser au haineux (B) n’aura su transformer la source de sa haine. Pourtant, sans qu’il soit intervenu directement, l’amour est là, bien présent, en filigrane sous les mots. Et en définitive, pour celui qui hait, pour accéder à l’amour, il lui faudra impérativement – dans un éclair de vision pénétrante –, voir la source, la cause, le processus de sa haine et, ipso facto, y mettre fin.
 
La relation entre l'esprit et la matière est considérée, en termes d'idées récentes[3], comme dépendant à la fois de la phénoménologie et de la science du cerveau. La phénoménologie est utilisée pour donner des indices afin d’aider à combler l'écart cerveau-esprit en fournissant des contraintes sur toute l'architecture neurale sous-jacente qu’a suggéré la science du cerveau. Une réduction provisoire de l'esprit à la matière est suggérée et utilisée pour expliquer différentes caractéristiques de l'expérience phénoménologique et de la propriété de l'expérience consciente. Le mécanisme essentiel est la prolongation de la durée de la décharge corollaire du mouvement d’attention, avec son déclenchement de l'activité pour le contenu connexe. Les aspects de l'expérience considérés selon les termes de ce modèle sont la nature discontinue de la conscience, l'immunité à l'erreur par le biais de l’erreur d'identification, et l'état de «pure» conscience telle qu'elle est vécue à travers la méditation. Pour la décharge corollaire du mouvement d'attention, il est proposé l'idée maîtresse de combiner les fonctionnalités de base de la méditation, la conscience et les neurosciences, aidant ainsi à combler le fossé entre l'esprit et la matière.
 
Accumulation sur le plan psychologique (l’) L’activité de l’apprentissage s’enregistre à la suite de quoi ce qui a été appris est réactualisé dans l’expérience suivante. C’est ainsi que le passé remonte toujours jusqu’au présent, se mêle à lui se confond avec lui. Bohm précise que ce mouvement d’apprendre, puis la réponse de la mémoire qui fait de cela une expérience – ensuite enregistrée –, bref tout ce processus constitue le temps mais aussi la pensée. Le temps existe tant qu’il y a accumulation sur le plan psychologique, sous forme de savoir, sous forme de « moi », etc. Tant que j’accumule, que j’amoncelle, que je cherche à devenir, le processus du temps intervient. Ce temps semble être toujours en mouvement. Tout ce qui a été accumulé réagit en fonction du présent, et se projette dans l’avenir – puis tout cela s’enregistre à nouveau. L’accumulation de tout ce contenu enregistré obéit à l’ordre du temps, un temps scandé par des : « une fois », « autrefois », « la prochaine fois », etc. Nous disons que le temps c’est.la pensée. Toute accumulation d’ordre psychologique est à la fois pensée et temps. Avec ces deux termes distincts, on cherche en vain deux choses différentes, alors qu’il n’y a en fait qu’un seul mouvement, c’est-à-dire le temps et la pensée – le temps plus la pensée, ou le temps/pensée. L’esprit qui tourne dans ce même champ clos depuis des millénaires s’obstine à accumuler, parce que cette accumulation lui semble être un gage de sécurité. Ainsi, sur le plan intérieur, on espère pouvoir accumuler des souvenirs, des relations agréables, des choses ou des principes sur lesquels pouvoir s'appuyer. L'accumulation, sur le plan psychologique, est donc une illusion de sécurité, de protection, de certitude.
Si l’accumulation des nourritures terrestres peut apporter une certaine forme de sécurité, l’élargir à la sphère intime de l’homme suscite de nombreux problèmes.
Et où en sommes-nous aujourd'hui ? Au point où l'être humain se rend compte de la situa­tion et se dit : «Puis-je réellement me délester de tout ce capital de pensée et de sécurité ainsi accumulé, et m'affranchir du temps psychologique ?»
Mon esprit – peut-il s'arracher réellement à cette sphère, pour avoir accès éventuellement à une tout autre dimension– et y parvenir, comme on l’a vu au chapitre précédent, grâce à la vision pénétrante. ?
Certes, la vision pénétrante est apte à faire la lumière sur l’absurdité de cette situation, a en montrer les limites et nous a permettre de voir au-delà, mais mon esprit peut-il être suffisamment dépourvu de désir pour ne plus se faire d'illusions, ne plus s'in­venter d'objets transcendants? Et qui dit désir, dit forcément entrée dans le processus du temps. Le désir, c'est le temps. L'Être, le devenir sont fondés sur le temps et réellement se confondent. Mais, quand la vision pénétrante nous fait prendre conscience de tout ce processus du désir, et de sa capacité à créer l'illusion, alors c'est terminé.
S’agissant d'un point tout à fait cru­cial, ne devrions-nous pas essayer d'être plus explicites à propos du désir, de faire voir à quel point il est indissociablement lié au processus d'accumulation, de montrer la diversité de ses formes d'expression ?      
On pourrait déjà dire que, à mesure que l'on accu­mule, un sentiment de manque se fait jour. On croit mériter mieux, on est en attente de ce qui comblera le manque. Quoi qu'on ait pu accumuler, la complétude nous échappe.
Autant la démonstration de notre devenir est aisée à démontrer sur le plan physique (devenir plus fort, avoir un meilleur emploi, jouir d’un plus grand confort, etc., sur le plan psychique la démonstration est plus délicate. 
Pourquoi l'esprit humain a-t-il cette soif de devenir un être « éclairé » – gardons ce terme pour l'instant – en cherchant à devenir toujours meilleur?
Cela doit provenir d'un sentiment d'insa­tisfaction par rapport à la situation existante. Tout individu ressent un besoin de plénitude. Suppo­sons, par exemple, qu'il ait accumulé des souvenirs évocateurs de plaisir, mais que ces souvenirs ne lui suffisent plus : il a soif d'autre chose. Ce serait donc l'insatisfaction? Il en veut toujours plus. Et il finit par avoir le sentiment que, ce qu'il lui faut, c'est le grand tout, l'absolu.
On est en droit de se demander si ce n'est pas le mot « plus » qui fait que le bât blesse. Plus - je veux être plus, avoir plus, je veux devenir. C'est tout ce mouve­ment, cet élan qui nous pousse à gagner, à compa­rer, à progresser, à réussir – psychologiquement. La nocivité de ce «plus» sur le plan intérieur nous a échappé.
Mais comment se fait-il que des philosophes et des hommes religieux raisonnable­ment intelligents et ayant consacré une bonne par­tie de leur vie à s'accomplir n'aient pas compris cette chose si simple? Comment se fait-il que les intellectuels n'aient pas su voir ce simple fait – à savoir qu'en tout temps et en tout lieu accumula­tion et «plus» sont toujours allés de pair ?
Cela, ils l'ont sans doute compris, mais ils n’ont pas vu où était le mal. Cette lutte perpétuelle pour le «toujours plus », ils la croyaient nécessaire au progrès, mais peut-on parler de progrès s’il est nécessaire que l'univers psychologique soit envahi par des pulsions identiques à celles qui agitent le monde extérieur ? Ils n’ont pas vu que l'accumulation, de par sa nature même, suscitait une division entre vous et moi, avec tout ce que cela suppose. Il est pourtant aisé de constater que, vous et moi, nous avons chacun une façon d'accumuler qui nous est propre. Nous cherchons ensuite à imposer un mode d'accumulation commun, et c'est le conflit. Tout le monde se voit être «mieux», être «plus», alors que c'est impossible. Cela ne se passe jamais ainsi. J'ai accumulé certaines notions psychologiques en tant qu'hindou, un autre a fait de même en tant que musulman... Les formes de division se comptent par milliers. L'accumulation, de par sa nature même, divise les hommes, elle est par consé­quent source de conflit.
L’enchaînement est redoutable : par l'accumulation, l'homme cherche à s'assurer une sécurité psychologique, de sorte que la sécurité, et l'accumulation qui va avec, est responsable de la division entre les hommes sur le plan psychologique. Cela explique­rait pourquoi les êtres humains accumulent sans cesse, sans se rendre compte des conséquences. Mais, si l'on s'en rend compte, il semble possible de renoncer à l’accumulation. En effet, s’il ne souhaite
plus garder en lui la moindre trace d'accumulation d'un savoir psychologique, il lui faut réaliser que le savoir a une emprise beaucoup plus importante que celle généralement admise.
En effet, ce qui nous hante c’est l’image que nous nous faisons de tout ce savoir accumulé.
Par ailleurs, la pensée est le mouvement entre le particulier et l'universel ; la pensée naît aussi de l'image de ce qui a été accumulé. Tel est l'état intérieur de cha­cun d'entre nous. Tout cela est profondément ancré en moi. J'en admets la nécessité jusqu'à un certain point, sur le plan physique. Mais comment m'y prendre pour réaliser que sur le plan psychologique rien de tout cela n'est nécessaire? Comment vais-je faire, moi qui suis depuis des millénaires habitué à accumuler, tant sur le plan général qu'individuel, comment vais-je prendre acte de cette habitude, et, une fois cette habitude reconnue, comment ce pro­cessus va-t-il prendre fin ? C’est là, précisément, que réside l’appel à mon intelligence : il faut qu’elle soit  à l'œuvre pour voir tout cela. Je tiens à découvrir ce qu'il en est. Je comprends la cause de l'accumulation et de la division, du désir de sécurité, tant indi­viduel qu'universel – et de la pensée même. Je vois La logique du système est visible. Mais ni la logique, ni la rai­son, ni les explications ne mettent fin au processus. Une autre qualité est requise. Cette qualité, est-ce l'intelligence? Découle-t-elle des conclusions très claires, précises, exactes et logiques de la pensée ? Cela reste toujours de l'ordre d'un savoir-faire sans cesse accru qui implique donc une persévérance, une sorte d’attachement qui n’est pas sans évoquer l’amour où elle serait associée, voire intégrée – amour duquel aucune accumulation n’est à craindre.
 
Amour (l’) qu’on ne saurait stocker, sans aucun lien avec la haine, serait cependant cette puissance régnante espérée par tant de gens qui voudraient qu’elle leur soit à jamais garantie.
Ce type d’amour aurait une intelligence, qui dès lors qu’elle rentre en action, est tout à fait capable de  briser le mur de notre incompréhension de l’accumulation.
Récapitulons, si vous le voulez bien. J'ignore ce qu’est cet amour-là. Je connais l'aspect physique des choses. Je comprends que l'amour, ce n'est pas le plaisir, le désir, l'accumulation, le souvenir, non plus les images. Je l'ai compris depuis longtemps. Mais j'en suis arrivé au point où je suis face à un mur si haut qu'il m’est infranchissable. J'explore donc ça et là pour voir s'il existe une démarche dif­férente, un mouvement qui échappe à tout modèle humain. Et il se peut que ce mouvement, ce soit l'amour dans son acception la plus noble. Est-ce donc cet amour, avec son intelligence propre, qui saura abattre, pulvériser ou anéantir ce mur ?
Pas l'amour des «je t'aime » et « tu m'aimes ». Non, l'amour dont je parle n'est ni personnel ni général. Il n'est ni universel ni individuel. Il va bien au-delà. Je crois que lorsqu'on aime de cet amour-là, cela englobe tout, cela transcende l'universel et l'individuel. Voilà ce qu'est cet amour. Ce n'est pas une lumière particulière : il est la lumière. Si cet amour est l'élément capable de bri­ser le mur qui est là devant moi, alors, effective­ment, j'ignore tout de cet amour. En tant qu'être humain, j'ai franchi certains stades, mais je ne peux aller plus loin et rencontrer cet amour.
Que faire alors? Non, il ne s'agit pas de «faire» ou de «ne pas faire», mais de se demander: dans quel état d'esprit je me trouve lorsque je réalise que toute tentative de mouvement de ce côté-ci du mur ne fait que le renforcer ? Je réalise, que ce soit par la méditation ou tout autre moyen, qu'il n'y a pas de mouvement possible, mais que l'esprit ne peut franchir ce mur. Quoi que je fasse, je reste toujours de ce côté-ci du mur.
Et c’est à l'instant même où je réa­lise que je ne peux absolument rien faire, que tout mouvement cesse comme si le mouvement s’était rendu compte qu'il n'avait aucune raison d'être. C'est comme le «sixième sens» qui éveille en nous une certaine vigilance.
Mais, parce que nous croyons trouver en lui ce qui fait l'essence même de la sécurité, nous n’avons jamais compris en tant qu'être humain que le processus accumulatif constituait un immense danger. Mais dès qu’il est mis en évidence, on perçoit, on voit réellement où est le danger. Or la perception fait partie de l'amour, et cette perception qu’on a du mur, cette perception sans motif ni direction – engendrée par ce mouvement d'accumulation – est indéniablement l'intelligence et l'amour
 
       Le redressement d’erreurs d’appréciation telles que
 
Toute chose coïncide avec notre désir – ou le peut : c’est ce qu’on finit par s’imaginer quand notre esprit se met à fonctionner de travers du fait que le désir est un plan particulièrement propice à la confusion.
 
Le réel est assimilable au vrai alors qu’entre eux, toute relation est impossible et inexistante, la vérité ne pouvant agir sur le terrain du réel, du fait que ce dernier est constitué d'objets, conditionné. Les deux univers restent disjoints. Il n’y a qu’une action possible et non réversible, du réel vers le vrai.
 
On dit percevoir l'avidité, telle croyance, telle religion institutionnelle, alors qu’on ne peut percevoir fragmentairement : on perçoit totalement ou on ne perçoit pas.
 
La tradition exige que la pensée soit indéfectible. Elle nous rassure, nous faisant croire que notre réalité (sécurité, droiture, etc.) dépend d’elle, alors qu’en fait elle altère le cerveau. Le renouveau ne s’opère que si on agit à contre-courant de son poids.
 
Les efforts que fait l’esprit pour se mesurer, se contrôler, se fixer un but (en fait une limite) sont la source même du désordre, alors que notre premier réflexe serait de dire que si l'on ne contrôle pas la situation, le chaos est garanti.
 
L’application par l’homme à son monde et au monde extérieur de normes de mesure identiques lui a fait faire fausse route, alors que, dès l’ori­gine, les choses étaient en ordre. Dans les faits, c'est cette préoccupation de mesure, incontrôlable par nature, qui a provoqué le dérapage.
 
Nombreuses sont les erreurs de la part de l’homme,  mais son erreur initiale fut de n’avoir jamais fait la différence entre ce qu'il devait faire dans le domaine extérieur et ce qu'il devait faire dans le domaine intérieur.
 
L’extérieur et l’intérieur étant à l’origine indifférenciés, on a pu avoir l’impression de pouvoir accumuler sur le plan intérieur soit des expériences, soit certaines connaissances quant à la conduite à suivre, alors qu’il n’en est rien.
 
On croit retirer un bien de l'accu­mulation, alors qu’avec elle, un sentiment de manque se fait jour –d’où l’attente de ce qui le comblera.
 
L'accumulation, de par sa nature même, divise les hommes, elle est par consé­quent source de conflit.
 
L’amour capable de faire cesser les dangers de l’accumulation n'est pas une lumière particulière : il est la lumière.
 
       Des acceptions qui ne figurent pas dans les dictionnaires.
 
Attention :aide à la pensée pour lui révéler ses erreurs et pour lui permettre de la mettre entre parenthèses pour permettre une remise en ordre.   
Vigilance : dito attention.
Vérité : une qualité de vision qui résulte de faits avérés ou tangibles ; elle est consubstantielle à la non-chose, donc au néant. On constate en règle générale que son rôle est de rétablir le bon fonctionnement de la pensée, d'en éliminer toutes les distorsions. Si la vérité n'entre pas en action, la pen­sée, comme le vent et les vagues, se laisse empor­ter au gré du hasard ; elle consiste à voir l’ensemble de la réalité sans distorsion.
Division : elle va de pair avec le prétendu espace du temps et de la distance, etc.
Chose : la chose en tant que chose (objet) n’est pas libre.
Chose juste : la notion de chose juste, correcte, est une idée qui se tient.
Néant : non-chose. L’action du néant, qui est l’intelligence présente dans le réel – une intelligence libre de toute contingence –, s’exprime au sein de la réalité sans qu’aucune distorsion n’intervienne. Si notre esprit est dépourvu d’espace mais encombré de problèmes, d’images, de souvenirs, de connaissances, il n’est pas libre, il est donc incapable de voir et, ne voyant rien, il est incapable d’agir.
En bref, c’est la fin définitive et sans motif de la pensée
Espace : il a l’esprit et l’espace en partage.
Espace-esprit : exempt de toute division, on pourrait presque le définir comme étant le fondement de la substance sous-jacente. Le propre de cet espace « grand ouvert » (zone franche) est de former un seul et même espace, qui inclut l’espace extérieur, tous les objets étant en un sens contenus dans cet espace global où ils sont tous unis, ne font qu’un. Sans cette zone franche, nous ne pourrions exister.
C’est également celui de l’activité mentale. Cet espace peut agir sur la réalité ou sur la pensée, mais l'inverse n'est pas possible.
Espace-temps : Il est au point de concours du lieu et du présent: ici et maintenant.
C'est à l'évidence le seul "absolu" de cet espace habitable par l'homme car, si peu qu'on s'en écarte, on tombe dans un domaine (spatial ou temporel) relatif.
Pensée : Ses mouvements forment le temps.
Holomouvement (ou ordre implicite) : Théorie initiée par Bohm selon laquelle l’univers que nous percevons serait une projection holographique d'une matrice à la circonférence de l'univers.
Réalité : La réalité est le terrain indispensable au déploiement de la vérité. Les difficultés commencent quand la pensée veut se faire elle-même miroir de vérité et s'en dissocie par là même. C'est ainsi qu'elle fait du réel, et de la vérité à propos du réel, une notion abstraite.
Réel : Le réel n’est rien d’autre qu’un champ, un plan, il n’est ni ce qui est, ni une substance autonome.
Beauté : Elle est à la fois dans l'objet lui-même et dans la qualité de notre ressenti.
Désir : Le désir se situe du côté du ressenti.
Amour : L’amourpeut naître quand la haine s’efface ; il agit donc dans l'univers du réel : il est derrière les mots, sans intervenir directement. Mais lorsqu'il se manifeste dans la réalité, ce n'est pas l’amour, c'est le désir, avec tout ce que cela suppose.Donc, si l'amour est piégé à ce niveau du réel, il ne s'agit plus d'amour.
Temps : Le temps serait une sorte de minimouve­ment au sein même de l'infini ; il est formé par tous les mouvements de la pensée.
Perception : résultante de la fusion de celui qui perçoit et de la chose perçue.
Essence : L’essence est la structure fondamentale qui donne accès à la vérité.  
Compassion : La compassionva à tous les objets auxquels le centre de la conscience peut         s’identifier.
Tradition : le consensus – celui de la famille et de la communauté – qui s’établit à travers elles, nous force à croire que ce n'est pas nous qui créons notre propre réalité.
Créativité : bien que soustraite à la croissance, elle est apte à favoriser certaines éclosions dans des domaines où le temps a cours.
Esprit : l'esprit façonné par l'homme (esprit illusoire) ne peut plus avoir de relation avec l’esprit rénové, alors que celui-ci a toujours la possibilité d’entrer en contact avec le premier, mais surtout pas avec les illusions qui l’ha­bitent.
Individu : Les individus se divisent grosso modo en deux camps. Dans l’un, la chose essentielle, c’est l’activité quotidienne, concrète, individuelle. Dans l’autre, l’essentiel est du côté général, de ce qui est universel. Les uns sont avant tout pratiques, les autres plutôt philosophes. En règle générale, cette division entre les deux camps se retrouve au fil de l’histoire, elle est aussi perceptible dans la vie quotidienne, les exemples abondent tout autour de nous.
 
       Des rapprochements inhabituels tels que
 
voir et agir sont du même ordre : la division n’a pas de place dans cet espace-là ;
néant (non chose)et liberté sont identiques ;
perception, compassion, créativité, vérité, sont des abstractions synonymes ;
mesurer et devenir sont une seule et même chose ;
pensée et temps, avec ces deux termes distincts, on cherche en vain deux choses différentes, alors qu’il n’y a en fait qu’un seul mouvement, c’est-à-dire le temps et la pensée – le temps plus la pensée, ou le temps/pensée.
désir et temps : qui dit désir, dit forcément entrée dans le processus du temps. Le désir, c'est le temps. L'Être, le devenir sont fondés sur le temps et réellement se confondent.
 
CONCLUSION
 
En règle générale, ce à quoi nous sommes sensibles, c’est surtout au contenu de la pensée plutôt qu’à son mécanisme précis. Ainsi lorsque nous lisons, c’est le sens de ce que nous lisons qui nous intéresse.
Soit qu’on recherche les ouvrages qui apparaissent remarquables plus par leur nouveauté que par leur profondeur, par leur côté provoquant que par leur justesse. On peut pencher vers les livres qui se lisent vite ; ceux qui visent l’utilité immédiate ou ceux qui cherchent ‘à déranger’, en surface du moins, car ils doivent par ailleurs se plier à la ‘tyrannie de l’opinion’.
Soit qu’à l’inverse, on se passionne pour les œuvres ambitieuses et désintéressées, les œuvres théoriques puissantes, résultant d’une réflexion obstinée, comme celle de Pascal, qui lui valut de « mourir de vieillesse avant [ses] quarante ans », épuisé par son œuvre.
On peut également être attentif au livre lui-même, à sa composition en pages qu’on se plaît à tourner ; être sensible encore aux mots imprimés, aux caractères choisis, à la texture du papier.
De même, nous pouvons prendre conscience des structures et des fonctions réelles de notre processus de pensée, et donc pas seulement de son contenu.
Comment cette prise de conscience s’effectue-t-elle ? David Bohm a prôné la vision pénétrante qui, selon lui, signi­fie la disparition de tout le contenu de la conscience. Et non bribe par bribe, mais en totalité. Et cette vision n'est pas l'aboutissement d'un effort de la part de l'homme. Elle a son origine simultanément dans le cerveau lui-même et dans l'esprit lui-même, bref dans la sphère mentale. Ce geste d’effacement, c'est la vision pénétrante, le mouve­ment de perception lucide qui, sans être le fruit d’une conscience ordinaire, se situe toujours au niveau de l'esprit qui dispose d’un potentiel capable de transcender cette conscience.
En définitive ce que Bohm a voulu nous apprendre, c’est ce qui se passe véritablement en nous, lorsque nous sommes occupés à penser.
 
 


[1]Jean-Paul Bastiard : Théorie des champs électromagnétiques de la conscience, in revue Journal of consciousness (avril 2002) (cf :http://www.imprint.co.uk/jcs_9_4.html).
[2] Le cerveau humain est composé d'environ 100 milliards de neurones électriquement actifs qui génèrent un champ électromagnétique endogène (em) – le terrain –, dont le rôle dans l'informatique neuronale n'a pas été complètement examiné.
[3] Correspondance: JG Taylor, Département de Mathématiques, King 's College, Strand, London WC2R2LS, Royaume-Uni. Email: @ john.g.taylor kcl.ac.uk


 

Date de création : 11/03/2013 @ 16:20
Dernière modification : 11/03/2013 @ 17:46
Catégorie : Parcours psychophysique
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