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Sciences politiques - Politique étrangère américaine





POLITIQUE ÉTRANGÈRE AMÉRICAINE
 
Extraits de « Où va l’Amérique d’Obama ?[1] »
 
(134) L’Amérique, un État fédéral
 
La notion de peuple aux USA
D’abord parce qu’ils ne sont pas, comme leur nom l’indique, un État mais des États-Unis. Le lieu principal du pouvoir, l’Union, n’est pas l’échelon de l’État qui se trouve fédéré. Et ce dernier est à son tour fort distinct du peuple, qui se définit sans référence à lui : on est citoyen des États-Unis, pas de l’Oklahoma ou du Minesota. Le peuple s’y appréhende comme une entité qui commence avec l’individu et s’étend jusqu’à l’humanité, avec deux grains plus gros dans ce chapelet, à savoir le corollaire de la propriété privée, l’argent, et la citoyenneté américaine symbolisée par l’hymne et le drapeau.
Pour le Clint Eastwood de Gran Torino, le peuple, c’est son jardin, deux ou trois copains, sa voiture et son fusil ; mais aussi l’Amérique victorieuse en Corée. Il en va ainsi, sous des formes infiniment variées, de chaque Américain. Ma patrie, c’est mon cheval et mon colt, plus Abraham Lincoln ou George Washington.
L’idée de démocratie qui en découle est différente de celle qui prévaut en Europe. Elle place au centre le peuple, c’est-à-dire chaque individu compris comme ayant vocation à se régir lui-même. Le pouvoir n’est pas l’émanation d’une abstraction appelée le Peuple, avec une majuscule. Le pouvoir appartient à une population, faite d’individus régis par la même loi.
La notion de « peuple » est une notion descendante en Amérique, et montante en Europe, où elle prétend agréger les citoyens en un tout qui les dépasse, le Démos.
Aux États-Unis au contraire, il s’agit d’un vague concept-couvercle sous l’égide duquel il est permis à chacun d’être aussi libre qu’il est possible sur terre. « We, the People…» est un pluriel, pas un collectif au singulier. L’expression est à prendre au pied de la lettre : le peuple n’est pas autre chose que la collection des individus, « We » (« nous »), c’est-à-dire la forme de plénitude maximale des « Je ». Ce concept est tout le contraire d’un Volk que caractériserait son Volksgeist (son esprit de peuple). La Constitution de 1776 dit « We », qui renvoie à chacun des individus formant ce « nous », et non « Us », qui serait le même ensemble, mais pris comme un tout, dans l’effacement des singularités. Il n’est pas jusqu’au drapeau, emblème suprême et révéré de l’Union, qui ne soit scrupuleusement représentatif d’un ensemble composite d’égaux, avec ses 50 étoiles représentant chacune un État de l’Union, à l’inverse du pavillon nippon, par exemple, qui exprime par excellence l’unité absolue d’un tout indivisible autour du Soleil Levant.
Cette distinction fondamentale dans l’acception même de la démocratie, à travers deux conceptions opposées du concept de peuple, a une incidence majeure sur l’Alliance Atlantique, comme on l’a bien vu à l’époque où l’allié américain des Anglais ou des Français était en opposition complète avec leur politique coloniale. Ce n’était pas uniquement à cause des colonies, c’était pour des raisons fondamentales qui perdurent, alors même que les questions d’autrefois ont disparu. Il faut en tenir compte au moment de réfléchir à une refondation des liens entre l’Europe et les États-Unis, à l’heure où les modalités de leur magistère mondial demandent à être repensées de fond en comble.
       
Dès la Constitution américaine, il est clair que le citoyen américain aurait toujours quelque chose à dire dans les affaires de son pays
Cette conviction, et le comportement qui en découle, constituent la matrice même de la société américaine, dès l’origine et seront recopiés à chaque génération d’immigrants. Ceux-ci quittent une forme d’oppression (politique ou de misère) pour devenir responsables de leur destin dans les meilleures conditions permises par la nature. 
 
Autrement dit, l’idée d’une politique extérieure d’un État incarnant une entité spécifique, à l’européenne, n’a pas son équivalent aux États-Unis
Les États formés pour administrer l’étendue dont est faite l’Union, sont faits pour s’unir, non pas pour mener des politiques étrangères, et cette union entre eux garantit un tel degré d’optimisation de la condition humaine qu’on n’a pas à se soucier de ce qui se passe ailleurs.
Le pouvoir d’agir vers l’extérieur est dès lors délégué à une instance, à part, lointaine, côtière dirait-on, qui s’appelle le Président avec son Administration (on ne parle pas de Gouvernement). Il agit sous le sévère contrôle de la Chambre des Représentants et du Sénat. On ne lui demande rien sinon de maintenir fermement la loi de composition de l’Union, à savoir que chacun y trouve les conditions les plus poussées de la liberté, qui résultent du fait d’appartenir à ce peuple sauvé des Pharaons modernes par une heureuse traversée des mers.
Il peut arriver que la méchanceté, l’envie, le chaos du monde extérieur menacent ce paradis. On attend alors du Président qu’il y remédie. On ne lui marchande pas la force dont il aura besoin pour ce faire. La population tout entière dans ces cas-là s’assemble moralement pour procurer au gardien de la libre Amérique une puissance militaire dont il a besoin, et dont bénéficièrent Roosevelt, Truman, Kennedy et G. W. Bush.
 
Le rôle des élites
 
Le paradoxe sécuritaire
Notons que depuis des générations, la politique extérieure, donc militaire des États-Unis, est définie par un cercle assez étroit de décideurs, par une oligarchie sous le contrôle du Congrès, qui n’en module l’ampleur que d’un point de vue principalement budgétaire. Or, très longtemps, cette dimension n’a pas posé problème aux États-Unis. Il en est donc résulté le paradoxe d’une politique très active, sous couvert de sécurité nationale, de la part d’une nation qui avait pour but à l’origine de n’en mener aucune. Simplement, cette dernière n’avait pas de raison d’en marchander l’envergure. Il ne lui coûtait pas grand-chose et que tel semblait être le prix d’une sécurité garantie aux Américains d’être pleinement américains. La grande politique étrangère américaine a été conduite par une élite, qui a pu y loger des objectifs à l’européenne, mais au nom d’un consensus global d’ignorance bienveillante envers le monde extérieur.
 
Un aveu de faiblesse sauf militaire et diplomatique
 
Le nerf de la guerre vient à manquer
Cet heureux temps n’est plus, pour deux raisons :
        D’une part le monde extérieur est venu frapper l’Amérique le 11 Septembre 2001 malgré cette grande politique ;
         D’autre part, l’Amérique n’a plus les moyens d’une grande politique extérieure, en quelque sorte en prime. Son industrie, sa finance, son état social et moral ne bénéficient plus du différentiel favorable qui leur était jadis acquis dans le monde. À cet égard, la survenue de l’ouragan Katrina, la crise financière de 2008 et la fuite de pétrole qui souille le golfe du Mexique ont des petits airs de Tchernobyl : la défaillance qui soudain révèle la faiblesse technique, politique et éthique de la haute administration privée et publique des États-Unis – à l’exception de l’armée et de la diplomatie.
 
Cependant, la conjugaison de la menace du dehors et du dedans continue à les motiver
L’axe identitaire des États-Unis tend cependant à être immuable. Ils sont et restent le pays exceptionnel de la liberté capable de surmonter les contraintes de toute nature. Dès lors ils ne peuvent entendre raison que si on leur fait valoir que cette exception est menacée du dehors et du dedans.
        Le dehors, il y a 70 ans, consista à entrer en guerre contre l’impérialisme japonais et allemand. De nos jours, l’Amérique ne tolère aucune résurgence de menace extérieure. Elle multiplie les interventions militaires, notamment au Moyen-Orient et en Asie.
        Au dedans, le New-Deal constitua la réponse à la crise économique des années 1930. Les tabous idéologiques furent alors balayés sans hésitation. La même démarche inspira le Président des États-Unis en 2008. Banques et industries furent nationalisées et la Federal Reserve Bank inonda le marché intérieur de ses liquidités pour pallier les carences de la finance américaine et, par ricochet, de l’économie dans son ensemble.
Bush et Obama sont simplement deux versions de ce changement fondamental de politique dicté par les transformations de l’environnement.
 
Un ponctuel qui finit par s’imposer comme remède durable à toute menace d’où qu’elle vienne
L’extension en régime continu d’une solution conçue initialement par Roosevelt comme une riposte temporaire, finit par ancrer l’Amérique dans le sentiment qu’elle avait trouvé le remède durable à toutes les menaces extérieures et à toutes les menaces systémiques intérieures. Dès lors, un certain état de guerre permanent s’installait sans que le monde ne soit convaincu de sa permanence globale.
  
Or, depuis 20 ans, le monde se transforme de fond en comble et il s’agit aujourd’hui d’éveiller l’Amérique à une forme de mutation comparable à celle qui s’est opérée consécutivement à la Dépression des années 1930[2]
En effet, comme celle des années 1930, la crise actuelle a beaucoup à voir avec une crise intérieure bien qu’elle reste encore difficile à évaluer dans ses prolongements tant domestiques qu’internationaux. Cependant, l’évidence d’une continuité entre les années Roosevelt et l’époque actuelle s’impose peu à peu. Comme en ce temps-là, l’Amérique d’Obama doit apprendre à tenir compte du monde non plus comme d’une perturbation à faire cesser, mais d’un contexte dans lequel il faut évoluer.
On peut donc considérer que la politique étrangère américaine est parvenue à une inflexion qui ne doit rien au passage du « faucon » Bush à la « colombe » Obama, car tous deux sont identiquement des personnalisations contradictoires de l’aigle gravé sur le sceau du Président. Cette inflexion est bien plutôt celle qui sépare deux époques : celle où l’Amérique avait la marge de mener sa politique étrangère au nom de ses valeurs sans qu’il en coutât grand-chose au contribuable américain ; l’époque actuelle où il va falloir participer à la politique internationale en tant qu’élément d’un système et non plus au nom de sa prétention à l’exception, parce qu’elle n’a plus les moyens comparatifs de cette dernière. C’est une révolution. Comment faire passer ce message ?
 
Le temps n’est plus ni à l’isolationnisme, ni à une politique de toute-puissance, mais à l’apprentissage d’une interaction
Cette observation paraît raisonnable d’un point de vue rationnel, mais la psyché américaine est-elle préparée à ce jour à engager une mutation de cette ampleur[3] ? Les Européens le voient mal, car, dans cette transition, le Président américain ne les traite plus en interlocuteurs privilégiés, statut que l’Europe a perdu tant elle tarde à s’imposer toutes les dimensions d’une puissance politique. La vérité majeure est que l’Amérique prend le chemin frayé par l’Europe depuis plusieurs décennies : apprendre à vivre avec les autres. Les Européens continuent à fantasmer l’Amérique en superpuissance parce qu’ils continuent à voir les États-Unis à travers le rôle que ces derniers tiennent encore, une immense puissance de type européen postwestphalienne[4], c’est-à-dire une nation guerrière soucieuse de son hégémonie. Alors que cette posture est une anomalie née de la Guerre au temps de Roosevelt, et demeurée en vigueur depuis lors à la faveur de circonstances elles-mêmes anormales, celles de la Guerre Froide. Cette anomalie a donc duré plus d’une génération, au point de finir par faire croire qu’elle était l’état de paix naturel, alors qu’elle était aussi dérogatoire que la Seconde Guerre mondiale au cours naturel de l’expérience américaine.
La tâche d’Obama et des futurs présidents est donc lourde : ils doivent convaincre leurs concitoyens de réorganiser le destin de l’Amérique dans un monde qui s’arrache lentement mais sûrement à la phase, belliqueuse entre toutes, du XXe siècle. Mais il leur faudra aussi gérer le legs de cinquante années de domination sur le monde, prolongées après 2001, quand il eût fallu préparer le repli relatif ou du moins le repositionnement pour mieux tenir compte de l’Asie émergente, de l’Amérique latine qui amorçait son développement, et du Moyen-Orient qui, en revanche, ne préparait pas son avenir.
 
Les impondérables de la transition
 
Les États-Unis éprouveront-ils des difficultés à penser et gérer une telle transition ? Ayant accédé à la fonction de clef de voûte de tout l’ordre mondial, ils ne peuvent s’en déprendre sans risque et nostalgie et sont en quelque sorte condamnés à conduire la transition avec prudence. Leur politique étrangère relèvera donc de deux inflexions, inspirées de deux époques différentes :
        Le souci de l’avenir qui invite à rendre à l’Amérique la liberté de vivre son destin essentiellement chez elle comme avant 1917.
        L’interdiction – due au poids du passé – faite à son hyperpuissance de se désengager brutalement dans un monde proliférant en rivaux pleins d’ambition.  
C’est pourquoi il est à craindre que, quels que soient la clairvoyance et le courage des élites américaines, et si libre que soit le débat dans le pays sur l’avenir de l’Amérique, la politique étrangère américaine n’évolue que progressivement.
En dépit d’une conscience montante de ce que le modèle d’armée, calibré sur un objectif d’écrasement du plus fort adversaire possible, soir devenu un fardeau économique excessif ; en dépit d’une alerte sévère sur la validité du modèle économique associé à cette stratégie globale, qui consiste à se faire financer par le reste du monde ; en dépit d’une exigence insistante de transformation du pays, qui change les règles du jeu, notamment sur le plan financier ; en dépit de l’urgence de traiter avec de nouveaux partenaires conscients de leur potentiel, il est probable que ni Obama, ni ses prochains successeurs ne pourront réduire vite la voilure du rôle impérial de leur pays. Ce qui ne leur interdit pas de préparer parallèlement une autre donne ; mais cela rend plus complexe le déchiffrage de cette dernière. Au-delà des nombreuses interventions et présence militaire sur tous les continents, l’Amérique travaille à ses relations avec la Chine, l’Inde, l’Amérique latine, la Russie, l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie centrale et même l’Europe !
En fait, la seule et unique règle qui a dicté, dicte et dictera la politique extérieure américaine comme celle de tout État reste l’appréciation de la défense de la sécurité et des intérêts du pays à court, moyen et long terme. C’est justement dans la pondération entre ces échéances que s’ouvre un espace pour son évolution.
Deux facteurs assez indépendants l’un de l’autre, quoique forcément corrélés en profondeur, gouvernent cette inflexion en cours :
        D’une part, le contenu quantitatif de la transformation planétaire est en train de s’accomplir dans les ordres de grandeur démographique, qui modifient les proportions relatives des diverses parties du monde.
        D’autre part, un contenu qualitatif, comme dans le cas de la Chine, de l’Inde, du Brésil, voire du Mexique, accompagne ces transformations quantitatives. Il est évident dès lors que le rapport à ces ensembles ne peut plus rester ce qu’il était. Mais c’est vrai aussi de l’Afrique, du monde arabe et islamique, de l’Indonésie, du reste de l’Asie du Sud-Est, ainsi que d’Europe à 27. Il y a là des masses humaines, des potentiels économiques et militaires, des agrégats culturels et des mutations sociales considérables, avec lesquels il faut compter. La supériorité encore manifeste de l’Amérique envers tous les autres perd ainsi de son intensité en présence de tels ensembles.         
 Cette évaluation du magistère américain est d’autant plus fondée, que le pays connaît en même temps une mue intérieure. L’appel de la mission sacrée entreprise en 1941 et poursuivie jusqu’à l’éclatement de l’URSS cinquante ans plus tard, prolongée à la faveur de l’attentat de 2001 s’exténue. D’autres objectifs semblent plus importants que les interventions lointaines. La renonciation au retour sur la lune, le succès d’une extension de la couverture santé à tous, sont des signaux majeurs de ce recentrage vers les intérêts domestiques. L’Amérique revient chez elle pour permettre aux Américains de renouer en paix un nouveau pacte avec leur terre promise. Elle s’attend à ce que le reste du monde se contente de ne pas faire obstacle aux intérêts légitimes des affaires américaines.
Assez symboliquement, les espoirs d’autonomie énergétique placés dans l’exploitation (peut-être assez dévastatrice écologiquement parlant) des schistes bitumineux, ramènent le balancier de la puissance sur le territoire même des États-Unis ou du Canada voisin, comme au bon vieux temps de la Standard Oil de Pennsylvanie. Moyennant une révolution dans la production et la consommation énergétique te la mise en valeur de ces nouvelles ressources internes, l’Amérique pourrait presque fermer la parenthèse de sa dépendance devenue trop importante envers des approvisionnements en hydrocarbures en provenance du Moyen-Orient. On ne saurait trouver meilleurs icône du nouvel idéal américain – celui des origines, d’avant l’ère guerrière de 1941-2011.   
Les quatre axes de la nouvelle politique étrangère américaine
 
Le réalisme
Les États-Unis continueront à capitaliser sur la force d’entraînement de leur idéal et de leur pratique de la liberté. Cependant les axes de la politique américaine seront définis à l’avenir par les intérêts directs de l’Amérique bien plus que par le passé, et ces intérêts sont prioritairement économiques (ceci comprenant naturellement les services et tout le domaine culturel jusqu’aux médias) ainsi que, pour une part, certains sujets de sécurité. De ce point de vue, n’étaient les enjeux de politique intérieure, l’Asie et l’expansive Amérique latine intéresseront désormais beaucoup plus l’Amérique que l’Europe, l’Afrique voire même le Moyen-Orient. En Asie, les États-Unis s’emploieront à créer un vaste partenariat qui couvrira tous les domaines du savoir, de l’économie, de la culture et des relations extérieures. Il est intéressant de noter que plus de soixante commissions paritaires Chine / États-Unis ont été créées entre les deux pays. En Amérique latine, il s’agira d’intensifier les flux commerciaux et à terme humains entre le Nord et le Sud, tout en favorisant tout ce qui peut contribuer à renforcer une véritable démocratie économique dans la région. Au Moyen-Orient, notons la récente collaboration qui s’est établie entre l’OTAN et plusieurs pays arabes.
 
L’impératif de sécurité
L’Amérique veut se déprendre des passions du monde extérieur, et dresser contre elles, donc contre le terrorisme islamique, un mur de sécurité impénétrable, à l’abri duquel elle retrouvera le chemin de sa prospérité et du bonheur. Elle attache une importance prééminente à la non prolifération nucléaire et conserve donc une vigilance extrême peu exprimée à l’égard du Pakistan et officielle face à l’Iran. Elle n’a plus de combat à mener contre personne, elle entend juste faire régner la sécurité partout où se trouvent ses ressortissants et ses intérêts, à commencer par chez elle. Le Moyen-Orient et même l’Iran ne sont plus à ses yeux des raisons suffisantes de rester une nation conquérante. L’ordre mondial finira par en dissoudre la nocivité. Il suffit de freiner l’infection et de laisser temps et commerce essorer peu à peu la dangerosité plus sûrement que ne feraient les bombardements requis pour faire cesser la menace actuelle. L’Amérique aimerait qu’Israël en soit convaincu, même si les facteurs de politique intérieure propre aux États-Unis et la sourde effervescence d’un certain Islam radical rendent la gestion de cette problématique délicate voire dangereuse.
 
La puissance économique
Elle ne crée pas la puissance tout court (sinon Singapour serait une grande puissance) mais elle en est la condition désormais nécessaire. Nulle nation n’est plus admise à se prévaloir d’une puissance que son taux de croissance et la qualité de son système éducatif et de recherche ne soutiennent plus. Or, en matière économique sont mitigés. L’un des principaux moteurs de l’économie américaine tourne au ralenti. Les ventes d’immobilier poursuivent leur tendance baissière. Il s’ensuit que 25% des propriétaires possèdent des biens dont la valeur de marché est inférieure à l’encours de leur crédit et que les saisies immobilières individuelles se poursuivent à un rythme alarmant (environ 200 000 par mois). Depuis 2006, le prix de l’immobilier aux États-Unis a baissé de 32%.
L’option de la paix
Elle répond à deux idées directrices :
        La première est que tous les acteurs majeurs ont intérêt à ce que tout se passe bien, et qu’il est donc plus important d’avoir l’argent pour acheter le pétrole ou le blé que de contrôler les routes stratégiques, ce à quoi tout le monde veillera pour sa part, dans une coalition des intérêts contre les éventuels petits et grands pirates.
        La seconde est une conséquence directe de la révolution digitale qui met les États-Unis comme les autres puissances, en prise directe avec tous les évènements significatifs de par le monde. C’est ainsi que les troubles intérieurs graves qui se produisent dans les régions à forte densité de population et où la pauvreté sévit ont des conséquences économiques et de sécurité qui affectent directement les objectifs prioritaire des États-Unis. La mise au point de réponses appropriées conformes à leur intérêt national et aux objectifs généraux de paix exigera sans doute de repenser les règles de gouvernance mondiale.
La politique étrangère des États-Unis a ainsi cessé progressivement d’être postwestphalienne, napoléonienne, comme le voudraient les néoconservateurs, ou Metternichienne, comme n’a jamais cessé de le prôner Henry Kissinger. Elle reprend le cours de l’exceptionnalisme américain, non pour convier le monde à s’y rallier, mais au contraire pour en recréer les conditions sans équivalent à l’intérieur des seuls États-Unis et peut-être aussi pour faciliter à l’extérieur une marche nécessairement saccadée vers plus de liberté. Une certaine incertitude américaine se manifeste toutefois dans les hésitations qu’ils éprouvent à faire aboutir la dernière étape décisive du Doha Round en matière de libération des échanges.
Naturellement, cette orientation tendancielle traverse de multiples obstacles. La masse de la population américaine continue à compter sur la rente de situation gagnée sur l’Amérique au titre de son impérialisme de fait. Les politiciens issus des suffrages de ces gens-là sont bien obligés de veiller jalousement sur ce privilège. C’est à qui défendra la nécessité d’un énorme budget de défense, ou l’impératif d’un libéralisme sans frein en matière de finance, ou le messianisme de l’American Way of life. Mais dans la longue durée, ce sont là des positions dépassées. Le peuple américain aspire à réexaminer ses responsabilités mondiales – non à s’en défausser, mais à les partager de bonne foi avec d’autres, dans le but de se consacrer à lui-même. La question est de savoir dans quels délais et selon quelles modalités cette évolution peut prendre corps.            


[1] Ouvrage de Hervé de Carmoy, préfacé par Alexandre Adler, paru aux PUF en septembre 2011.
Cet auteur a passé trente années à la Chase Manhattan Bank, puis aux postes les plus élevés de la Midland Bank, à Londres, et de la Générale de Belgique à Bruxelles, a fait de la banque d’investissement comme associé gérant de Rhône-Group.
[2] Comme l’a remarqué Alexander Field, historien de l’économie, les années 1930 étaient « la décennie des plus grandes avancées technologiques du siècle ».
Les économistes font souvent une distinction entre tendances cycliques et tendances séculaires – c’est-à-dire entre les fluctuations à court terme et des changements à long terme dans la structure de base de l’économie. Rien n’illustre aussi bien cette différence que les années 1930 : du point de vue cyclique, c’est la pire décennie du XXe siècle et pourtant sur la durée, l’une des meilleures. Malgré les souffrances causées, l’économie des  États-Unis a fait d’énormes avancées dans cette période : les bas nylon et la télévision ont été inventés ; les réfrigérateurs et les machines à laver se sont transformés en produits de grande consommation ; les trains ont accéléré la cadence et les routes sont devenues plus larges et moins cahoteuses.
[3] Ils sont certes encore riches mais se battent contre un taux de chômage élevé chronique qui suscite la crainte d’un déclin national. Et une diminution du pouvoir d’achat dans la plus grande économie du monde – où 70% du PIB est lié aux dépenses de consommation – n’est pas de bon augure pour une reprise mondiale. L’augmentation du nombre d’actifs reste médiocre et le chômage stagne vers les 9%. Les prévisionnistes indiquent que ce taux ne passera sans doute pas en-dessous de la barre des 7% avant au moins 2015. Près de 6,5 millions de personnes sont officiellement sans emploi depuis au moins six mois et, ces trois dernières années plusieurs millions ont quitté le marché du travail. Beaucoup ne retrouveront pas de travail même longtemps après le redémarrage de la croissance.
L’économie américaine semble également souffrir d’une mauvaise répartition des ressources. Trois secteurs géants – la finance, la santé et l’immobilier – comprennent désormais de larges pans improductifs. Dans le monde de la finance, le volume des transactions a explosé ces dernières décennies, mais on ignore si cette activité frénétique a augmenté le niveau de vie. Pour Lawrence Katz, économiste de Harvard, « le problème des soins de santé est très similaire à celui du secteur financier. Des personnes incroyablement talentueuses gaspillent leurs dons pour quelque chose qui est essentiellement un jeu à somme nulle ».
[4] Les historiens des relations internationales voient dans les traités de Westphalie qui mirent fin à la guerre de Trente Ans en Europe, la fin des grandes guerres de Religion internationales et l’émergence des grandes politiques nationales fondées sur la raison d’État. À certains égards, nous y sommes encore.

Date de création : 08/11/2011 @ 17:05
Dernière modification : 08/11/2011 @ 17:26
Catégorie : Sciences politiques
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