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Philosophie et science - Une introduction à la philosophie des sciences
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Une introduction à la philosophie des sciencesGérard DEBIONNE, astronome conférencier Présentation, le 16 novembre 2007
Des centaines douvrages ont été écrits sur la philosophie des sciences. De nombreux philosophes, anciens ou modernes en ont même fait une spécialité
Cest dire si le sujet est vaste. Nest-il donc pas présomptueux de vouloir le traiter en à peine deux heures un tel sujet. En effet, dans le même esprit, on pourrait aussi imaginer un exposé de deux heures intitulé lastronomie ou encore lhistoire de lhumanité
2.1 Définition de lépistémologie
Lépistémologie est littéralement la science qui tente de faire la « la théorie de la connaissance ». Cest Ampère vers 1850 qui le premier a introduit le concept de « Philosophie des Sciences ». Outre-manche, vers la même époque, on a introduit le terme epistemology qui englobe la théorie de tous les savoirs et pas seulement des sciences. En repassant la Manche, le mot est devenu plus spécifique puisquil correspond grossièrement à la « Philosophie des Sciences », excluant notamment tout ce qui relève de la psychologie ou de la sociologie dans lacquisition des savoirs.
Dans ce qui suit, on nabordera pas tous ces sujets qui sont parfois délicats et on se focalisera essentiellement sur le (ou les) raisonnement scientifique. Dans une autre section on abordera le raisonnement scientifique sous un autre angle, plus historique, celui de son évolution à travers les siècles. 2.2 Cest une bonne question, merci de lavoir posée !
Avant daborder la question « centrale » du raisonnement scientifique, il faut apporter quelques réponses simples à la liste des sujets évoqués ce, pour montrer que ces questions ne sont pas aussi simples quelles le paraissent. Prenons quelques exemples parmi les termes cités plus haut. : Quest-ce que la science ?
La science est lune des nombreuses activités intellectuelles auxquelles lHomme sadonne, mais elle nest pas la seule, il y a lart, la religion la philosophie, lorganisation de la société, lésotérisme et bien dautres. Si chacune de ces activités est caractérisée par une certaine conviction dans la pratique, on peut se demander ce qui distingue lactivité scientifique des autres activités intellectuelles. La question est vaste. Si lon sait énumérer les caractéristiques fondamentales de cette activité telle que luniversalité, lunité ou le recourt à la rationalité, il est plus délicat de statuer sur son caractère social, c'est-à-dire de dire pourquoi elle sest développée à certaines époques et pas à dautre ou encore dans certaines sociétés et pas dans dautres. Que signifie comprendre ? Dans le langage courant, ce mot a déjà plusieurs sens. Pour en débattre, considérons les petits dialogues suivants :
Cest très simple, cest le même principe que le levier. Sans levier, tu peux tout juste soulever 50 kg, avec un levier, tu peux soulever plus de 100 kg avec la même force. Les engrenages des pignons du vélo fonctionnement comme de petits leviers.
Cest simple, il y a une force dattraction en 1/R² où R est la distance des corps et la force est aussi proportionnelle aux 2 masses.
Dans tout ce texte, un écrit Homme et non pas homme, il sagit bien-sûr dun représentant (homme ou femme) du genre humain.
La nature est-elle connaissable ? Cette question est relativement moderne et a surgi dans la première moitié du 20ème siècle. En fait, le problème est double Toute la science accumulée jusquà la fin du 19ème siècle avait mis en place de façon plus ou moins implicite les 2 règles suivantes :
Ces deux règles, certaines au 19ème siècle, allaient voler en éclats avec lapparition de la physique quantique dans laquelle on ne calcule plus des choses certaines mais seulement des probabilités pour que les choses se passent de telle ou telle façon. Quest-ce que la réalité ?
Encore une belle question, souvent discutée par les philosophes à toutes les époques. En fait cest la relation entre la nature et la représentation que sen fait lhomme qui est en question. En effet, il est assez facile dimaginer un univers dans lequel des êtres pensants très différents de nous seraient apparus. A partir de là, on peut aisément imaginer quils aient donné une autre représentation du même monde. Cette interrogation débouche directement sur la relation qui peut exister entre le monde physique et la représentation que nous en avons et que nous nommons réalité. De nombreux philosophes et notamment Berkeley et Locke ont discuté cette notion de réalité avec des thèses fort différentes. « Les nombres complexes ont-ils inventés ou découverts ? » 2.3 Le raisonnement scientifique.
Dire que le raisonnement est un ingrédient essentiel dans le développement des sciences est une évidence. Toutefois, à y regarder de plus près, on a utilisé au cours des siècles plusieurs sortes de raisonnements. Pour simplifier, on va présenter les deux principaux types de raisonnement, à savoir le raisonnement dit« finaliste » et le raisonnement cartésien. Pour tous les beaux esprits, le temps du raisonnement finaliste est bien révolu, remplacé par le raisonnement qui se veut moderne et quon appelle « cartésien » en hommage au regretté René Descartes. 2.3.1 Le raisonnement finaliste :
Dans son sens le plus courant, la finalité signifie « ce en vue de quoi » une chose est faite. La finalité a tout son sens dans le domaine technique où les objets fabriqués par lHomme sont destinés à quelque fin. De même en répondant à la question « Pourquoi as-tu fais cela », nous répondons en donnant la cause finale, c'est-à-dire lintension qui a présidé à notre acte. Peut-on transposer aux phénomènes physiques ce type dexplication ? La question est délicate ! - A ton avis, pourquoi y-a-t-il des nuages dans le ciel ? Lainé réfléchit un peu, se gratte la tête puis dit : - A vrai dire, jen sais trop rien, mais il parait que le monsieur qui habite dans la grande maison près de la rivière est un grand savant et jirai lui poser la question. - Ah oui, il sappelle René Descartes, mon père ma parlé de lui. Mais pour les nuages je demanderai à mon père ça ira plus vite Ainsi fut fait et les enfants reçurent les réponses suivantes : Réponse (finaliste) du père : Réponse (cartésienne) de René Descartes Mon fils, il y a des nuages pour faire pleuvoir. Grace à cette pluie, les champs sont arrosés et des plantes peuvent pousser et ainsi, les Hommes peuvent se nourrir, en somme, grâce aux nuages. Mon garçon, il y a des nuages car lair contient de la vapeur deau et lorsque la température de lair diminue, la vapeur deau se condense en fines gouttelettes, qui forment le nuage. Le nuage reste à une certaine altitude car la température de lair varie avec laltitude etc etc
Bien entendu, dans lexplication finaliste du père transparait la main de Dieu. Pour lHomme moderne, cet exemple naïf nous fait évidemment pencher en faveur du raisonnement cartésien car on imagine fort bien une planète sans Hommes mais néanmoins avec des nuages
Et derrière tout cela, la question de lunité de la vérité. Kant : « Il est absurde despérer un jour comprendre la simple production dun brin dherbe selon les lois de la nature quaucune intension na ordonnée » On aurait pu alors imaginer, sans pour autant en comprendre la raison quil faille expliquer le vivant de façon finaliste et linerte de façon cartésienne. Le temps a passé et le débat nest pas clos. Les exemples qui vont suivre et qui ne concernent pas le vivant montrent que les choses ne sont pas aussi simples La finalité en physique moderne : Sans entrer dans des considérations théoriques délicates, il est bon de rappeler que beaucoup de grandes lois physiques peuvent être déduites du Principe de moindre action. Ainsi, les équations du mouvement dun corps peuvent déduites soit,
Ce principe de moindre action se retrouve aussi sous la formule simple : La nature est économe. Une application bien connue est le principe de la réfraction de la lumière. La lumière semble aller dun point A à un point B en traversant un dioptre dans le minimum de temps. Or au moment un les rayons sincurvent au passage du dioptre, ils ne « savent pas encore » quils vont atteindre le point B. Tout se passe donc comme si les lois de la physique se comportaient instantanément pour obtenir un résultat final « prévu » davance » Troublant ! En fait, dans de nombreux cas, il convient danalyser la formule « tout se passe comme si » Ainsi, en mécanique, on peut prévoir le mouvement des corps en utilisant les équations classiques dites de Newton qui relèvent dune démarche cartésienne mais aussi (et cest souvent plus simple) les équations de Lagrange qui relèvent dun principe de moindre action, donc en apparence dun principe « finaliste ». Le lecteur familier de la mécanique sait que les équations de Lagrange se déduisent de celles de Newton et que par conséquent les deux approches sont équivalentes. La finalité dans les sciences de la vie : Sans vouloir traiter un sujet aussi vaste, on peut au moins prendre lexemple du problème de lévolution des espèces traité par le biologiste anglais Darwin. En apparence, Darwin dans sa théorie de lévolution par la sélection des espèces, semble remplacer la finalité « traditionnelle », et donc religieuse, par un système de causalité physique. Cependant, la finalité demeure dans la question même de lévolution des espèces, c'est-à dire la raison dêtre de la sélection. On notera toutefois que la démarche de Darwin si elle reste finaliste, change de niveau en faisant intervenir une masse importante dobservation. Par ailleurs, et dune façon plus générale, il est malaisé de comprendre pourquoi le vivant semble sexclure dune loi fondamentale de la physique de linerte, à savoir lévolution systématique vers létat de plus grand désordre.
Aujourdhui, on oppose essentiellement le cartésianisme aux raisonnements finalistes. En fait, lorsquau17ème siècle, sous limpulsion de savants comme Descartes apparaît ce quon appellera plus tard le cartésianisme, cette doctrine soppose essentiellement à la tradition scholastique du moyen âge.
La scolastique médiévale est faite dun mélange de référence à la culture grecque antique et denseignement religieux et se définit essentiellement comme le souci de subordonner toute vie intellectuelle à la vie religieuse. Il en résulte un système de pensée qui vise à accorder tout système de spéculations avec le dogme chrétien. Cest Thomas dAquin (1225-1274) qui tentera de concilier la philosophie dAristote et la pensée chrétienne. Clairement lune des conséquences de ce système de pensée était de définir un certain nombre de vérités indépendamment de toute approche raisonnée ou expérimentale, puis dériger ces vérités en dogme, coupant la route à tout progrès scientifique tel quon lentend aujourdhui. Cette extrême rigidité explique évidement les affrontements très vifs qui vont accompagner les progrès de lastronomie, et notamment les procès fait à Galilée et Giordano Bruno. 2.3.2.2 Ce qui caractérise le cartésianisme. On peut dire que cette doctrine repose sur les quelques principes simples suivants :
Partant de ces principes, pour Descartes, toute la connaissance repose sur ce quil appelle une nouvelle« métaphysique » dans laquelle il inclut la morale. Par métaphysique, il faut entendre à lépoque, système de pensée. Dautres cartésiens incluront dans ces principes de base lexistence de Dieu. Pour Malebranche, le fait que lHomme pense est une preuve de lexistence de Dieu. En pratique, cette nouvelle philosophie va se diffuser à partir de la Hollande où Descartes vécut de 1628 à 1649. Bien sûr, une telle rupture dans la méthode de pensée est énorme et cela fait débat. Beaucoup dintellectuels de lépoque sont très attachés à leurs croyances religieuses et de nombreux esprits sélèvent contre cette manière de voir qui réduit nécessairement le rôle de Dieu. Les idées vont donc continuer à évoluer, à la fois grâce aux découvertes des savants des 17 et 18ème siècles, mais aussi par les idées de grands esprits universels tels que Leibniz ou Kant. 2.3.2.3 Le principe de causalité. Ce principe déjà discuté par les grecs, fait partie intégrante du cartésianisme et il affirme que la cause doit précéder les conséquences. En fait, la causalité va plus loin et implique aussi lexistence dun mécanisme qui fait passer de la cause à la conséquence. Ainsi, il est possible quun évènement A soit toujours suivi dun évènement B et que lobservateur ignore la cause invisible de A et B. Lobservateur peut alors chercher (à tord) un lien de causalité directe entre A et B. 2.3.3 Les raisonnements « anthropiques » On connaît le principe général des « explications anthropistes » : Les choses sont ainsi et si elles ne létaient pas, nous ne serions pas là pour le constater. Ce type de raisonnement est souvent invoqué lorsque les questions se déplacent du comment vers le pourquoi. Ainsi, en Physique moderne, on sest souvent posé la question de lextraordinaire équilibre de la matière à tous niveaux. En effet, il semble que cet équilibre ne soit possible que si certaines constantes fondamentales ont leurs valeurs actuelles. Le calcul montre que si lon modifie légèrement les valeurs des constantes on rompt les équilibres fondamentaux.
Les sciences dures (physique, chimie
) ont longtemps suivi le même type dévolution, on commence par rassembler des faits expérimentaux, puis on tente den tirer des lois. Généralement, on ne sarrête pas là. Les sciences dures se veulent à la fois unificatrices et recherchent des modèles axiomatiques. Lexemple le plus classique est celui de lélectricité et de loptique. En fait, la démarche ne sarrête pas là ! Au temps de Maxwell, on utilise lensemble des résultats expérimentaux disponibles pour étayer les (nouvelles) équations de Maxwell. Ainsi, dans les ouvrages du début du 20ème siècle, chacune des équations de Maxwell est démontrée à laide danalogie, de quelques faits expérimentaux et pour finir une généralisation pas toujours justifiée. Progressivement, un nouveau point de vue va apparaître, lapproche axiomatique. Dans cette approche, on ne cherche plus à démontrer les équations de Maxwell dont le caractère très général était parfois difficile à démontrer expérimentalement. On pose les 4 équations de Maxwell comme une sorte de dogme appelé des axiomes puis, par le calcul, on déduit de ces axiomes un certain nombre de propriétés vérifiables expérimentalement. Tant quaucun fait expérimental ne vient contredire les propriétés déduites du calcul, on considère les axiomes comme justes Plus dun siècle sest écoulé et rien na jamais remis en cause les équations de Maxwell. Dune certaine façon, cette méthode axiomatique avait déjà été utilisée en mécanique puisquon avait réussi à résumer toutes les lois de la mécanique aux 3 axiomes énoncés par Newton, sans jamais démontrer ces lois. Plus tard, on fit la même chose avec la relativité restreinte puis avec la mécanique quantique. Aujourdhui encore, la physique moderne des particules repose depuis les années 70 sur le « Modèle Standard » qui est bâti à partir dune sorte de Lagrangien qui permet de généraliser léquation de Schrödinger. Or les équations qui découlent de lexploitation de ce Lagrangien résultent bien dun principe déconomie de la nature, donc in fine dun principe finaliste. Que conclure ?
3. Lévolution historique de la pensée scientifique
3.1 La place de lastronomie dans lévolution de la pensée Les sciences au sens large- sont nées autour de la méditerranée, dans des pays où il fait bon flâner le soir, dans un décor constitué de milliers détoiles que pas un nuage ne vient masquer Dans lantiquité, un tel ciel est rapidement passé de létat de décors à celui de questions : Pourquoi tous ces points brillants qui reviennent tous les soirs avec une régularité extraordinaire ? Pourquoi quelques-uns uns de ces points brillants semblent-ils se déplacer par rapport aux autres ? Pourquoi ne peut-on pas les toucher alors que lHomme peut toucher tout ce quil voit ? Bien sûr, il y a dautres questions, sur la vie la mort, la nature, les animaux Mais, toutes ces choses sont proches, à portée de main, la nature est compréhensible car elle semble présenter une certaine unité dans la naissance, la croissance et la mort Même les objets que lHomme fabrique semblent naitre, vivre et enfin mourir Pour le ciel, il en va tout autrement. Les étoiles ne semblent pas naître ni mourir, De plus elles sont inaccessibles à la main de lHomme. Il ne restait plus quune chose à faire, réfléchir sur tout cela, échafauder des théories Cest ce quils firent et cest aussi pourquoi lastronomie a « tirée vers le haut » la pensé des anciens 3.2 Les philosophes grecs : Sil fallait décrire les penseurs grecs de lantiquité dune simple phrase, il suffirait de dire quils sont les instigateurs du raisonnement abstrait. Contrairement à ce quon a pu observer chez dautres peuples antiques tels que les Egyptiens, la science grecque parvint au résultat remarquable de séparer linvestigation des lois de la nature de toutes les questions religieuses ayant trait aux relations entre lHomme et les dieux. Le phénomène de la science grecque est étonnant et unique. Les premiers philosophes à avoir joué un rôle important sont Thalès de Millet et Anaximandre. Thalès a eu une intense activité dans différents domaines et notamment en géométrie. Curieusement, il attribua une partie importante de ses travaux géométriques aux égyptiens, fasciné sans doute par larchitecture monumentale quavaient développés ces derniers. En fait, la géométrie vraiment théorique se développa un peu plus tard en Grèce. Anaximandre de son coté fut un astronome à qui on attribue de nombreux travaux dastronomie sphérique et de géographie. Il est aussi semble-t-il le premier à avoir envisagé que le soleil soit au centre du système des planètes à la place de la terre. Pythagore, dont on sait peu de chose vécut au VIème avant J.C. Il fonda en Italie une école où lon enseignait la philosophie et les mathématiques. Les découvertes quon lui attribue sont certainement luvre de lensemble de son école. Ces résultats seront repris par Euclide trois siècles plus tard. Lenseignement philosophique qui y était donné était certainement de caractère initiatique, il est de peu dintérêt mais il témoigne dune grande activité intellectuelle pour lépoque. Platon, à travers ses dialogues avec Socrate a développé la théorie des idées, qui préfigure lépistémologie. Il lança aussi les premières réflexions sur la causalité. Aristote est peut-être le plus célèbre des philosophes grecs. Elève de Platon puis précepteur dAlexandre le Grand, il est aussi lauteur de nombreux ouvrages consacrés à lanatomie, à la physique, à la politique à la métaphysique et la musique. Il est aussi lauteur dun traité de logique formelle. Son uvre a profondément marqué la philosophie chrétienne, et par conséquent lenseignement classique qui était donné essentiellement par léglise. Avec Platon, il est lun des premiers a avoir discuté la notion de causalité. Euclide est plus connu comme mathématicien que comme philosophe. La renommée dEuclide est indiscutablement liée au succès des ses Eléments. Cet ouvrage a été abondamment divulgué et traduit. Il est pour des siècles un modèle de construction axiomatique et de raisonnement abstrait. Deux philosophes sont souvent cités lorsquon évoque les racines de lidée datome, Anaxagore et Démocrite. Ici encore, labstraction précède lexpérimentation. Anaxagore, propose la théorie dun univers amorphe composé datome organisé par un « principe supérieur ».Ces idées inspireront Aristote et Démocrite. Démocrite, fonde la théorie atomiste et le rejet du raisonnement finaliste au profit de la causalité. Ptolémée (90 à 168 après JC) est le dernier savant de la Grèce antique. Astronome mathématicien et géographe, il résida à Alexandrie. On lui doit la compilation de nombreux travaux de ces prédécesseurs quil a souvent améliorés, notamment dans le domaine de la cartographie. Son modèle cosmologique allait être adopté par léglise puis utilisé en Europe comme « modèle officiel » jusquà la Renaissance. Les autres « anciens », les Romains, les Egyptiens ou les Mésopotamiens ont dans lévolution de la science un rôle bien plus modeste que les Grecs dans la mesure où ces sociétés ne sintéressaient quaux sujets techniques qui pouvaient avoir une application directe, mais aucunement aux spéculations théoriques. Ainsi, les mathématiques ont été utilisées chez les romains essentiellement dans le domaine de larchitecture. 3.3 La « Renaissance des sciences » en Europe : A partir de la Renaissance, la transmission des connaissances quitte progressivement léglise et devient notamment en Italie le fait de sociétés scientifiques (Galilée a appartenu à lAcadémie Nationale des Lynx) Classiquement, on fait débuter la Renaissance en Italie à la fin de XVème siècle puis au XVIème siècle. Cette Renaissance concerne essentiellement les arts et se caractérise par de fortes références à lantiquité. Pour les sciences, cest lastronome polonais Nicolas Copernic (1473 1543) qui ouvre le bal en publiant (à titre posthume par précaution) son De revolutionnibus orbium coelestium... Dans cet ouvrage il propose une nouvelle description du système solaire qui remplace celle de Ptolémée. La description de Ptolémée constitue aussi le Dogme officiel de léglise sur lorganisation de lunivers. Il est remarquable de constater que la renaissance de la science occidentale coïncide avec les affrontements religieux du XVIème siècle. Sil fallait citer les 4 ou 5 astronomes qui ont modifié profondément notre vision de lunivers, les noms de Copernic, Galilée, Kepler et Newton seraient sans aucun doute les plus cités. Partant de là, on pourrait imaginer que muni dune sorte de méthode travail commune ils aient accompli chacun une partie de la tâche En fait il nen est rien, si lobjet de leur réflexion a été le mouvement des corps célestes, leurs approches du problème ont été bien différentes. A lorigine, on parle de « philosophie », c'est-à-dire de « savoir » et on mélange à travers des raisonnements finalistes très lié à la religion, lobservation, la théorie et lidée de Dieu ... Il faudra longtemps pour que lon sépare tout cela Au temps de Copernic et de Galilée, lEglise impose sur les idées, notamment en ce qui concerne lunivers qui nous entoure un contrôle absolu. Louvrage de Copernic ne sera publié quaprès sa mort et Galilée échappera de peu (1633) au bucher. Giordano Bruno ny échappera pas. Malgré cela, la mécanique rationnelle fait dimportants progrès. Pourtant, avec Galilée, la science va faire un grand pas, non seulement en termes de résultat, mais aussi en termes de méthode. Aux anciennes méthodes fondées sur linduction et la déduction, Galilée va substituer la vérification expérimentale en utilisant un certain nombre doutils tels que la lunette, le microscope ou le thermomètre. Chez Kepler, lidée de Dieu est sous jacente et elle doit nécessairement se manifester par une sorte de perfection des lois de la nature qui doivent par exemple emprunter à la musique une certaine idée de lharmonie, Lharmonie dans le monde géométrique étant nécessairement circulaire. Encore une fois, on est encore très proche de Dieu puisque la musique, modèle dharmonie céleste, se déploie avant tout dans les églises. Néanmoins, Kepler, motivé par une volonté inébranlable parviendra à la bonne description du mouvement des planètes (sous laspect cinématique) et laissera son nom à des lois dont il ne soupçonnait pas les raisons. Lorsquen 1642 Galilée meurt, on est très loin de la cosmologie dAristote et du système de Ptolémée. La terre est devenue une simple planète libérée des invraisemblables machineries à base de mouvements circulaires dont la seule justification était une sorte de perfection attribuée au cercle. La science ne sest pas complètement séparée de la pensée religieuse et philosophique mais ces disciplines doivent tenir compte de lobservation. Notons que ce mouvement quon nommerait en termes modernes « plus de rigueur » est aussi facilitée et entrainé par lamélioration des instruments. La personnalité de René Descartes est intéressante dans la mesure où il est à la fois scientifique et philosophe. A ces deux titres, il participera à tous les grands débats de son temps. « Nadmettre en science que la raison »,tel est le crédo de René Descartes. Descartes croit profondément à lunité des sciences et il présente toute sa philosophie comme une sorte darbre dont les racines sont la métaphysique (ou système de pensée), le tronc est la physique et les 3 branches principales sont la mécanique, la médecine et la morale. Pour lui, la découverte de la vérité dans les sciences est conditionnée à lobservation de « règles certaines », en totale opposition à la logique aristotélicienne. Plus tard, chez Newton, le « grand Horloger » reste Dieu et Newton limite son rôle à « comprendre » ce qua voulu faire Dieu. Ainsi, lorsque Richard Bentley pose le problème de léquilibre de lunivers en présence de la gravité (1694), Newton est « déstabilisé » et revient constamment à largument que Dieu ne peut que créer un univers stable et par conséquent éternel... Pour être complet sur Newton, on ne peut pas passer sous silence ses curieux travaux sur lalchimie qui nallaient pas dans le sens de la pensée scientifique rationnelle mais qui étonnaient sans doute moins à lépoque quaujourdhui. On ne peut pas non plus ignorer limmense prestige dont jouissait encore la science grecque au temps de Newton. Il est tout à fait remarquable que Newton encore jeune ait mis au point des outils mathématiques qui permettaient dexprimer les lois de la dynamique et de démontrer les lois de Kepler Puis bien que plus âgé, il ait renoncé dans les Principia à utiliser ces outils pour démontrer les lois de Kepler. (Ce que fit avec talent Euler un peu plus tard). Ces avancées de la physique (essentiellement lastronomie de position) sont accompagnées de profondes réflexions philosophiques sur le la nature du savoir et le rôle de lHomme. Il faut dabord citer Leibniz qui est un penseur universel. Il est bien connu pour ses démêlées avec Newton à propos de linvention du calcul différentiel. Leibniz est aussi un grand philosophe, profondément chrétien, il a tenté de bâtir des systèmes de morale inspirée de ses travaux de logique formelle. Curieusement, il a un raisonnement quon nommerait aujourdhui « rationnel », pourtant, son profond attachement à la religion lincite à utiliser la double explication, à la fois finaliste et rationnelle. Vers la même époque, deux philosophes anglais, Berkeley et Locke vont aussi jouer un rôle important en tentant de décrypter la nature profonde de la réalité à travers la perception sensorielle quen a lHomme. Le premier est ecclésiastique et le second médecin. Sur la notion de réalité, ils afficheront des positions bien différentes. 3.4 Les « lumières » : de DAlembert à Lagrange Avec le 18ème siècle, on va assister à la séparation progressive de la philosophie et des autres sciences. Lagrange et Euler sont les deux grands esprits qui ont illuminé les sciences du 18ème siècle. Avec eux, on passe à la vitesse supérieure. Si Galilée avait eu le premier recours à lexpérience pour établir des lois, eux vont représenter le début dun immense courant de découvertes sappuyant sur loutil mathématique quils contribuent à développer. Les outils deviennent si performants quon passe, notamment en astronomie des simples lois à des modèles plus complets impliquant une multitude de corps. DAlembert tel Leibniz est aussi un génie universel, à la fois philosophe, mathématicien, astronome, écrivain (Lencyclopédie avec Diderot). En fait pour DAlembert, sa très grande notoriété en tant que philosophe des lumières a fait de lombre à lauthentique savant quil était. 3.5 Le rôle singulier de Laplace On se souvient de la question de Napoléon à Laplace, à propos de lagencement des mouvements des corps célestes : - Et Dieu dans tout ça ? La réponse de Laplace est célèbre : - Votre majesté, je nai pas eus besoin de cette hypothèse Phrase terrible, Dieu est ramené à une simple hypothèse, et en plus, on peut sen passer La suite montra que cette réponse ne trancha pas la question de linfluence divine sur le fonctionnement de lunivers. Laplace peut être regardé sous différents angles. Pour les scientifiques « purs et durs », Laplace est celui qui a au cours dune longue carrière développé la mécanique céleste dune façon extraordinaire à travers une uvre magistrale. Lorsquon prend suffisamment de recul par rapport à cette science extrêmement difficile quest la mécanique céleste, Laplace napparaît plus que comme une étape (importante certes !) entre Newton et Einstein En fait, ce qui rendit Laplace célèbre parmi le grand public et les penseurs du 19ème siècle fut son Exposition du Système du Monde dans lequel était développée pour la première fois une théorie non religieuse sur la formation du système solaire. Si lon ouvre louvrage de Camille Flammarion, on constate quune page entière est consacrée à ses hypothèses de cosmogonie alors quil nest rien dit sur ses travaux de mécanique céleste. Ces travaux de cosmogonie étaient de peu de valeur scientifique puis quils nétaient assortis daucune analyse sérieuse. Il faudra attendre les travaux de Faye et de Roche (le même que la limite du même nom !) pour montrer par le calcul les limites de la théorie de Laplace. Néanmoins, le débat sur les origines du système solaire était lancé et il allait se poursuivre comme quelques siècles plus tôt pour la place et le mouvement de la terre au sein du système solaire, sur le plan scientifique et religieux Cette fois, il allait seffectuer via des hypothèses, des observations et des modèles mathématiques 3.6 Le scientisme du 19ème siècle : Le scientisme est à la confluence de plusieurs courants de pensée. Il est dabord motivé par les immenses progrès que font les sciences durant le 19ème siècle, et notamment vers la fin. Déjà, Laplace dans la première moitié de ce siècle avait énoncé une sorte de principe de déterministe absolu en affirmant que la science était capable de définir par le calcul le futur dun système dont on connaît parfaitement le présent. Un peu plus tard, le scientisme sera un pilier important du Marxisme puisque les « scientistes » les plus radicaux militeront pour un gouvernement de la « science » porteuse exclusive de vérité. Enfin, dernier élément, le scientisme nait aussi dans un contexte dopposition farouche à la religion. Le scientisme est donc un courant de pensée qui prône une organisation de la société fondée sur la connaissance scientifique, qui permet déchapper à lignorance génératrice de misère. Les 3 idées forces de cette philosophie sont les suivantes :
Les fondateurs du communisme ont largement puisé dans ces idées.
Quand la science aura décrit tout ce qui est connaissable dans l'univers, Dieu alors sera complet, si l'on fait du mot Dieu le synonyme de la totale existence. Ce mouvement allait montrer ses limites à la jointure du 19ème et 20ème siècle lorsque deux grandes lézardes vont apparaître dans le bel édifice de la physique. Une première lézarde va bouleverser nos conceptions de mécanique Newtonienne. La seconde lézarde est bien plus grande puis quelle va remettre en cause à la fois le caractère connaissable de linfiniment petit et remplacer des lois certaines par des lois moins contraignantes de caractère probabiliste. La mécanique quantique était née en on discute encore aujourdhui ses conséquences philosophiques. Une certitude était cependant acquise, la fin de la physique nétait pas proche comme a pu le croire Lord Kelvin et la science ne saura jamais « Tout ». 3.7 Quelques questions modernes : La physique moderne pose bien des questions et bien quayant atteint un niveau extraordinaire, elle est devenue bien plus modeste que la physique de la fin du 19ème siècle. Parmi les grandes questions actuelles, on trouve pêle-mêle, le déterminisme, le caractère « connaissable » ou non de lunivers microscopique et macroscopique et les débats sur lunification de la physique. Ces questions sont délicates puisque souvent à la limite entre le comment et le pourquoi et on ne peut les aborder sans la rigueur du physicien, et la sagesse de lépistémologiste. Autrement dit, pour progresser, lHomme de sciences doit continuer à développer des outils mathématiques et expérimentaux, mais il doit aussi, plus que jamais se demander ce quest une preuve, une théorie, une expérience, un modèle mathématique ou encore ce que signifie comprendre. Tout cela sera-t-il suffisant ou faudra-t-il un « nouvel Einstein » je nai pas la réponse
Table des matières
1. Introduction à un vaste sujet ... 1 2. Quelques questions dépistémologie .. 1 2.1 Définition de lépistémologie 1 2.2 Cest une bonne question, merci de lavoir posée ! 2 2.3 Le raisonnement scientifique .. 4 2.3.1 Le raisonnement finaliste .. 5 2.3.2 Le cartésianisme ... 6 2.3.3 Les raisonnements « anthropiques » 7 2.4 Evolutions modernes de la méthode scientifique 8 3. Lévolution historique de la pensée scientifique ......... 8 3.1 La place de lastronomie dans lévolution de la pensée .... 8 3.2 Les philosophes grecs .. 9 3.3 La « Renaissance des sciences » en Europe .. 10 3.4 Les « lumières » : de DAlembert à Lagrange ............. 12 3.5 Le rôle singulier de Laplace .. 12 3.6 Le scientisme du 19ème siècle ... 12 3.7 Quelques questions modernes 13
Date de création : 01/06/2020 @ 15:24 |