PARCOURS NIETZSCHÉEN
PRÉSENTATION
Friedrich Nietzsche (1844-1900)
Le philosophe foudroyé en esprit. Inactuel symbole de la pensée qui s’est anéanti pour avoir sondé « la profondeur de tous les sommets » (Harlingue-Violet).
L’arrière-monde
L’ « être » de la métaphysique est, en priorité, caractérisé par l’idée de la transcendance. Il correspond à la position d’un arrière-monde (Hinterwelt) que la pensée réclame d’un absolu qu’elle veut préserver de la contamination sensible : l’être « transcendé » est la Réalité stable, identique à soi, permanente, éternelle, qui ignore donc le changement, la destruction, le devenir, la lutte, la douleur, bref, tout ce qui dans le monde de l’existence suscite l’angoisse humaine. La transcendance est solidaire d’un clivage, par quoi une pensée opiniâtrement dualiste (une pensée qui se cramponne à l’« antinomie de valeurs ») disjoint le bien et le mal, le positif et le négatif, la beauté et la laideur, le vrai et le faux.
L’ « être » ainsi déterminé est substance. Aux yeux de Nietzsche, c’est donc la substance qui résume la compréhension que les philosophes ont eu de l’« être », depuis l’Un de Parménide, à l’Absolu-Identité de Schelling, en passant par l’Idée platonicienne, l’ousia d’Aristote, la res cartésienne, la substantia spinoziste, la chose en soi kantienne.
On construit justement l’arrière-monde idéal en projetant au-delà de la réalité sensible l’idée de la substance. « L’homme projette son impulsion de la vérité, son but en quelque sorte, hors de soi pour en faire un monde de l’« être », un monde métaphysique, un « chose en soi », un « monde déjà existant » (Zarathoustra, XVI, 57).
Heidegger, quant à lui, a mis fin à cette notion d’arrière-monde : de par l'étude de la constitution et de la mobilité de son Dasein (l’être-là maintenant), – comprise de prime abord comme appartenance au monde – il a mis au jour une structure duale, comme quoi le Dasein « appartient » et en même temps « n'appartient pas » au-monde.
Le pouvoir être authentique réside dans l’instance appelante et dans le contenu de l’appel. Le Dasein qui, dans son être, est à la fois étranger à lui-même et au monde, – jeté qu’il est toujours dans le « non-chez-soi » – est ainsi appelé par une voix étrangère ; l’appel de celle-ci ne s’adresse qu’à son-être « en-dette » ou « en-faute ».